Dans toute réflexion stratégique, une des étapes prioritaires consiste à identifier ses alliés et ses adversaires. Pour nous qui voulons mettre l’entreprise au centre de la stratégie de redressement national – et qui devons constater la lenteur des progrès, néanmoins réels – il faut confesser une timidité choquante en comparaison avec l’assurance de nos adversaires. Qui dénonce la combinaison de forces hostiles à l’entreprise privée dans notre pays ? Non seulement ces adversaires ne sont pas identifiés mais on fait comme si l’existence d’un véritable parti anti-entreprises allait de soi dans une grande puissance économique immergée dans l’économie de marché. On ne les combat pas comme il convient.
Il est temps de lever le voile sur la puissance de nos adversaires. Qui sont-ils et que prêchent-ils.
Des enseignants qui se coupent du monde
Dans l’Éducation nationale, mais aussi dans l’enseignement supérieur, combien de professeurs pensent-ils que la grande majorité de leurs élèves et de leurs étudiants travailleront dans des entreprises ? Un jour j’ai créé la surprise dans une assemblée de professeurs en énonçant que les trois quarts de leurs élèves gagneraient leur vie dans le secteur privé… et seulement un quart dans la fonction publique. Par ailleurs, d’après un sondage OpinionWay de fin 2013, 62% des professeurs de collèges estimaient que l’entreprise est un lieu d’exploitation. Il n’est pas très étonnant alors qu’au lieu de les préparer à une insertion réussie en entreprises, un grand nombre d’enseignants s’ingénie à leur inoculer méfiance et réserve de principe, voire une résistance collective, ce qui ne facilite pas le futur de leurs élèves ni celui des entreprises où ils aboutiront.
Des universités au service d’elles-mêmes
Le principe originel des universités, qui était d’assurer l’accumulation des connaissances en vue de leur transmission… se poursuit. Le but des diplômes reste ainsi de distinguer les futurs professeurs qui continueront d’assurer la survie de leur très chère discipline. Au reste, combien d’enseignants passeront au total 90% de leur existence entre les murs d’une école grande ou petite ?
On me dira qu’il en va de même dans tous les pays. Certes, mais ailleurs on ne se drape pas dans un farouche isolement, dans la description de l’économie théorique chère à Alternatives Économiques, dans le rejet de « l’horreur économique » de l’économie de marché.
L’entrepreneur, tyran avéré et gangster potentiel
Dans beaucoup de services de l’administration, on part du principe que l’entreprise est suspecte car elle s’efforce d’être profitable. Donc elle ne respectera pas la loi chaque fois qu’elle le pourra. Pas vu pas pris. Toute l’action des services publics doit donc se concentrer sur la violation qui inévitablement se produira, inscrite dans les gènes de cet être malfaisant. On commence seulement depuis une dizaine d’années à admettre généralement que l’emploi marchand, cette aliénation, source de tant de souffrances, non seulement présente l’avantage de distribuer des feuilles de paye couvertes de chiffres sonnants et trébuchants mais procure des satisfactions personnelles. Le travail salarié en entreprise, parce qu’il est entaché par le lien juridique de subordination, ne saurait cependant procurer l’accomplissement seul accessible dans un métier indépendant.
Ces représentations négatives flottent dans l’air quelles que soient les trompettes de la communication et de la publicité à la gloire de l’entreprise. Celle-ci est systématiquement combattue par des courants hostiles dans les médias quand bien même tous sont abreuvés de cette manne. La dérision va de soi dans les divertissements. Les fictions télévisées, en particulier dans le service public de télévision (ah France 3 !), abondent en personnages de patrons rapaces et sans scrupules.
Un parti qui s’invite dans les présidentielles
Ce parti anti-entreprises – quoique sans contours ni existence juridique – vient de donner sa mesure dans la campagne électorale en cours. Pour la première fois un candidat, François Fillon, s’est déclaré nettement partisan des entreprises. Pire, il a dit qu’il fallait corriger en leur faveur les flux économiques excessivement dirigés vers la puissance publique et les particuliers. Il a eu le grand tort d’évoquer les noms de Reagan et de Thatcher, même si son programme électoral était loin de rebattre les cartes comme ils l’ont fait. Son projet nous semble plutôt une correction du curseur qui depuis des décennies, quelle que soit la couleur du gouvernement, a été bougé dans le même sens, au détriment des entreprises privées. Vaches à lait désignées ou joujoux de technocrates « volontaristes ». Las, cet insolent est devenu l’homme à abattre.
Ce « parti », donc, existe, il agit et enregistre des premiers succès. Pourtant il n’est pas identifié même si on entend des propos et des discours qui ne laissent pas de doutes sur les principes qui les inspirent et le camp de ceux qui les émettent. Ce parti n’a pas de nom. Parfois il se confond avec le grand parti des fonctionnaires, les « défenseurs du service public » dont notre candidat a eu le front de vouloir maîtriser le développement. Ces « défenseurs », eux, sont bien peu attaqués ; on est loin de Thatcher qui, elle, les a réduits à coup de privatisations systématiques.
Un parti à attaquer sans tarder
Appelons le parti pro-chômage puisque c’est le résultat avéré de son action anti-entreprises. Et dénonçons-le dans sa connivence des intérêts installés, dans son âpreté à défendre des avantages acquis et dans son détournement de fonds à son usage.
Attaquons-le à notre tour. Ce ne sera pas si facile car, dans la campagne, on se garde bien de parler des enjeux. Les attaques politiciennes ou personnelles occupent le théâtre. Mais nous ne devons pas rester spectateurs car c’est de notre avenir qu’il s’agit.
4 commentaires
L’ennemi principal : un parti anonyme !
Excellent le « Parti pro-chomage » ça parle bien !
L’ennemi principal : un parti anonyme !
Cet article résume parfaitement la situation !
Nous payons là des dizaines d’années laissées à ce parti, qui a pu ainsi noyauter tous les réseaux importants au premier rang desquels se trouve l’éducation nationale.
Deux exemples personnels pour l’illustrer :
Patron de pme, j’ai fini par accepter une invitation à répondre aux questions des élèves dans un lycée. Devant la naïveté des premières questions, intrigué, je leur ai demandé « mais d’où croyez vous que vient l’argent qui a payé ces tables, ces chaises, ce bâtiment et le salaire de votre professeur ici présent ? » J’ai reçu une volée de réponses indignée « mais c’est l’état, monsieur! » Lorsque je leur ai dit que cet état dépensait de l’argent venant du privé, et uniquement (j’aurais pu ajouter la dette…), j’ai failli être mis dehors par les enseignants qui disaient « halte à ce discours ultralibéral »…
Le deuxième exemple vient du livre d’économie de première « ES » de ma fille. Au chapitre « chômage » on leur explique, dans le manuel officiel, que pour résoudre le chômage, il suffit d’augmenter les salaires. C’est présenté comme une évidence, et on leur demande juste de commenter en donnant des exemples. Ensuite, ils doivent commenter un texte d’un grand économiste: Mr Genereux (numéro deux de Mélenchon, ou équivalent..) qui ressemble plus à un tract de la CGT qu’à autre chose.
Pour arriver à ce niveau d’imprégnation, ce sont des années et des années de travail de sape, de destruction mentale, de lobbying intense.
Je crains que l’on en sortira pas de si tôt !
L’ennemi principal : un parti anonyme !
Super article, limpide, lucide, guère novateur ( helas !!!) mais tellement utile. Même pas « partisan ».
A diffuser largement; Je vais m’y employer
Je suis un laudateur suspect, car je me prétends ami (pourtant peu complaisant !) de l’auteur depuis…50 ans !
L’ennemi principal : un parti anonyme !
Excellent article. Monsieur Gourio est un voyant (heureusement, il n’est pas le seul) dans un pays qui dans sa majorité refuse de voir, hélas. Ceci étant, parler de parti est discutable car ce groupe informe n’est pas inscrit comme un parti politique. Ses membres dissimulent leur nom et leur visage. Ce sont des activistes masqués, des nihilistes dont l’objectif est de détruire ce qui fonctionne depuis des millénaires, les entreprises privées, des fanatiques d’un marxisme figé qui se refusent à réfléchir en dehors des bornes de la doxa marxiste et étatiste gravée dans un mur de fer. Leur intelligence fonctionne dans un unique sens : détruire le capitalisme ou tenter de le faire encore et encore et toujours, jusqu’à la fin des temps ou de leur temps. Peut-on parler de lobby ? Mais un lobby se réclame d’intérêts à défendre de façon transparente (en principe). Doit-on parler de parti pris ? Sans doute mais il serait souhaitable de trouver une appellation courte originale et expressive qui résonne avec justesse dans la tête des gens. Arrivé là, je doit reconnaître que l’inspiration me manque.