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Japon : la faille du plan de relance

par Bernard Zimmern
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En 2006, il y a 8 ans, dans la revue Société Civile (n°63) de l’iFRAP, nous publiions un article Des Français l’ont rêvé, les Japonais l’ont fait qui peut expliquer les difficultés rencontrées par le plan de relance de l’économie japonaise de l’actuel Premier ministre du Japon, Shinzo Abe.
Shinzo Abe se trouvait déjà être à cette époque le chef de cabinet de Junichiro Koizumi, Premier ministre de 2001 à 2006.

Rappelons que J. Koizumi a dénationalisé un monstre par sa puissance financière car grand gérant des retraites, la Poste japonaise (depuis au moins partiellement renationalisée). En nommant un très jeune économiste, Heizo Takenaka, ministre des Finances, il a en outre exclu du processus d’élaboration des réformes et de leur exécution les bureaucrates du ministère des Finances, l’équivalent de notre Bercy, et fait appel, comme aux USA, à de petits groupes d’experts privés.

Nous écrivions : « ce n’est peut-être pas un hasard si, grâce à cette décision, le Japon se retrouve avoir mis en place une législation fiscale vigoureuse pour développer massivement les Business Angels dont ils ont compris que ceux-ci sont la clé du développement des gazelles, les entreprises à fort potentiel de croissance, et, par-là, la clé de l’emploi. Le cœur de ce dispositif est une contribution de l’État d’environ la moitié, par la voie de réduction d’impôt, aux investissements effectués par des particuliers pour financer la création et le développement de gazelles. Cette incitation est également consentie à des groupes d’investisseurs, agréés dans des conditions qui rappellent celles d’agrément des SBIC (Small Business Investment Corporations), inventées aux USA en 1958 ».

Nous n’avons pas particulièrement suivi l’évolution des Business Angels au Japon, sauf pour nous apercevoir que dans la dernière année de Koizumi, suite au départ de son jeune ministre, les apparatchiks du ministère des Finances avaient repris le dessus et la législation fiscale favorable aux Business Angels n’y avait probablement pas survécu.

Les conséquences parallèles à ce qu’on observe en France se retrouvent aujourd’hui au Japon, où malgré la politique de la Banque du Japon inondant le marché d’argent, comme la Fed américaine ou la BCE européenne, ces économies ne parviennent pas à sortir de la déflation.

Même avec des taux d’intérêt presque nuls, faute d’entrepreneurs et d’investisseurs prêts à prendre des risques et s’engager dans de nouvelles aventures industrielles, le volume des emprunts privés n’augmente pas. En face d’une offre d’argent presque sans limites, il n’y a pas de demande.

Les seuls qui en bénéficient sont les états, trop heureux d’accroître leur dette à bon compte. Mais il n’est pas sûr que cela nous apporte des lendemains qui chantent.

Jusqu’en 1992, faîte de la bourse de Tokyo, l’expansion japonaise n’a pas eu lieu grâce aux créations de nouvelles entreprises comme aux USA ou au Royaume-Uni, mais grâce à l’expansion des entreprises existantes : rattrapage de l’avance des entreprises de l’Ouest, et croisement de techniques, une spécificité bien japonaise. Elle est particulièrement visible dans les machines à commande numérique où les grands groupes japonais ont su marier leur maîtrise de l’usinage de précision, avec l’électronique, qui à ses débuts, faisait appel à une dextérité manuelle à laquelle la sensibilité des doigts japonais répondait parfaitement[[Particularité physiologique, les Japonais ont dans les doigts comme sur la langue deux fois plus de terminaisons nerveuses que les occidentaux ; d’où une cuisine la plus raffinée du monde, d’où l’utilisation de Japonais pour trier des poussins pour les élevages de poulets et séparer les sexes.]].

Ceci a permis aux grandes entreprises des anciens zaibatsu[[Au Japon, zaibatsu définit un grand groupe d’entreprises, présent dans presque tous les secteurs de l’économie. Ces entreprises entretenaient des participations croisées. Les plus connus : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo.]] de se développer, mais la coopération entre ces grandes entreprises et les laboratoires universitaires, un autre chapitre d’excellence japonaise, notamment en biotechnologie, est insuffisante à créer des besoins d’emprunt suffisants pour traduire une relance de l’économie, et montre bien les limites des politiques d’argent facile des banques centrales.
Comme les USA, pour cause de lutte contre les inégalités, ou la France, par destruction du tissu d’investisseurs, le Japon ne crée pas assez d’entreprises nouvelles – d’après la Banque mondiale, un tiers de moins que la France qui est déjà à la moitié des anglo-saxons -, et redécouvre que les crédits dont seules sont capables de profiter les entreprises déjà existantes, ne suffisent pas à relancer l’économie. Le Japon redécouvre que les entreprises existantes voient leur poids économique diminuer, et qu’il faut des entreprises nouvelles pour avoir assez d’emprunteurs et pour ranimer l’expansion.

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1 commenter

Bolling novembre 29, 2014 - 6:48 pm

Japon : la faille du plan de relance
Monsieur,
J’apprécie toujours énormément vos papiers.
Vos livres me stupéfient toujours par leur documentation et leur justesse d’analyse.
Je suis à chaque fois stupéfié par le peu d’impacte qui en résulte.
Croyez, Monsieur, en mon admiration.
Emmanuel Bolling

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