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« J’ai droit à rien », ou le paradoxe de l’assistanat.

par Bertrand Nouel
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N. est dans sa cinquantaine. Fille de la campagne, des parents agriculteurs modestes, elle travaille à la ville, aide soignante dans un Ehpad, elle gagne 2.200 euros nets plus quelques aides ménagères pour arrondir ses fins de mois. Un mari décédé prématurément, deux filles maintenant adultes, une maison dont elle est propriétaire avec un jardin planté d’arbres fruitiers, deux voitures dont une récente. Elle n’aime pas Bayrou, et maugrée sur les aides qu’elle ne reçoit pas : « j’ai droit à rien », signifiant qu’elle gagne juste un peu trop pour n’être pas, ou plus, éligible à ces aides sociales.

Ce jour du 25 août, L’Opinion publie un plaisant article signalant un rendez-vous de coiffeur d’Eric Lombard en Bretagne, où l’on suppose que le ministre passe quelques jours de vacances. La coiffeuse lui demande « et vous, vous faites quoi dans la vie ? ». « Je suis ministre des finances » répond-il, et le voilà assailli de récriminations. L’article poursuit : La coiffeuse « est très irritée par les abus. En particulier par ce créateur d’un business très lucratif à l’étranger, totalement défiscalisé et qui, en France, fréquente les Restos du cœur.  Y’a pas de petites économies. Une retraitée apprend au ministre qu’elle connaît trois personnes en arrêt maladie et… en pleine santé. « On y a droit », disent-elles pour justifier ces absences ».

Ces petites histoires sont pleines d’enseignements. D’abord, la très grande sensibilité des Français à la justice sociale et fiscale, comprise comme l’ égalité de traitement à conditions de vie semblables – à distinguer de l ‘égalitarisme, revendication de certains partis politique que seule une faible minorité de la population partage.

Le « on y a droit » révolte la retraitée qui estime au contraire qu’il y a abus dans l’assistanat par des profiteurs indignes. On pense aussi au « mème », actuellement favori des réseaux sociaux, « c’est Nicolas qui paie », plaignant la situation de ceux qui paient pour les autres. On pense encore à la levée de boucliers accueillant le projet de suppression de deux jours fériés non rémunérés, qui s’explique selon nous bien plus par une réaction contre un sacrifice imposé aux seuls salariés qui travaillent alors qu’en sont dispensés les autres catégories de la population (particulièrement les retraités), que par un refus de travailler davantage.

Mais il faut aller plus loin. L’exemple de N., « j’ai droit à rien » complète le « j’y ai droit » jugé injustifié des personnes en arrêt maladie, mais en change toutefois le sens. Car N. s’estime à tort faire partie de la population pouvant bénéficier de l’assistanat auquel elle avait probablement droit plus tôt dans sa vie lorsque son salaire était plus faible et ses enfants plus jeunes. Sa situation actuelle la classe maintenant dans la partie inférieure de la classe moyenne, pas dans la classe pauvre. Et c’est là que gît le paradoxe de l’assistanat.

N. n’a pas conscience que l’assistanat ce n’est pas fait pour tous, et au lieu de se féliciter d’avoir franchi les limites de la pauvreté assistée, elle ne fait que regretter d’être exclue des aides.

Le paradoxe gît dans le fait que plus l’assistanat est développé, plus important est le nombre de personnes qui se trouvent sur la limite de ne voir leurs revenus augmenter que très peu compte tenu de la suppression de leurs aides. Dans le cas de N. c’est la classe moyenne, évidemment très nombreuse, qui se plaint de ne pas être assistée.

Les Français sont drogués à la redistribution et à la prise en charge de leurs revenus par l’État, et finalement plus la redistribution est élevée, plus les exigences sont fortes… Nous ne sommes pas près de sortir de ce cercle vicieux !

Une dernière remarque. N. paraît rendre responsable François Bayrou des raisons de son mécontentement, en en faisant le bouc émissaire d’un modèle social à bout de souffle. On peut craindre que les récriminations de cette classe moyenne que nous évoquons resteront les mêmes quel que soit le gouvernement dont se dotera la France.

« Faire payer les riches » – qui payent déjà beaucoup- , ce slogan éculé et destructeur ne semble pas réellement partagé ni par N. ni par la coiffeuse d’Eric Lombard ou ses clientes, et pas comme solution à la crise. La France n’a jamais pendu ses riches à la lanterne parce qu’ils étaient riches, même sous la Terreur.

Non, les classes moyennes regardent beaucoup plus près d’eux, dans l’assiette du proche voisin, celui qui abuse et qui a une plus grosse voiture. Mais ceci est une tout autre histoire, et mérite de tout autres mesures…

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1 commenter

REGENT septembre 12, 2025 - 2:26 pm

La solution est de supprimer les minima sociaux et l’IR, pour les remplacer par une formule unique magique :
Revenu disponible = 70% x Revenu net + RSA
Cela ne change rien ni pour un allocataire du RSA, ni pour la tranche d’IR de 30%. Pour les autres, il y a lissage, mais quasi pas de changement.
Cela veut dire individualiser le système (le RSA ne l’est pas), et remplacer les prestations familiales par un montant par enfant (250€ /mois environ), indépendant du revenu et du rang de l’enfant dans la famille.
Il n’y aura plus de distinction entre assistés et contribuables.

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