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Inégalités – Ressorts de la croissance des entreprises et de l’emploi

par Philippe Baccou
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Ce livre est la dernière œuvre de Bernard Zimmern (1930-2020), inventeur d’une technologie révolutionnaire de fabrication des compresseurs, infatigable innovateur, entrepreneur, créateur et animateur de think tanks, parmi lesquels l’iFRAP et l’IRDEME, promoteur d’idées et de propositions dans le débat public et auteur de plusieurs livres à succès : À tout fonctionnaire son chômeur, Les Profiteurs de l’État, Les Fabricants de chômage, La Dictature des syndicats, etc.

Nous publions ici, pour nos lecteurs, la préface de cet ouvrage qui demeure d’une urgente actualité. Il est disponible chez son imprimeur, Le Publieur, et peut être commandé par les grands réseaux de diffusion tels qu’Amazon et la Fnac.

Préface

Ce livre est la dernière œuvre de Bernard Zimmern. Et c’est aussi la fin d’un cycle engagé pour moi il y a près de quarante ans, celui d’une longue amitié pétrie de complicité intellectuelle.
En ce temps-là, les passions égalitaires occupaient déjà en France le devant de la scène publique. Elles envahissaient les débats économiques, nourrissaient des programmes politiques, favorisaient la diffusion de mythes et d’utopies déraisonnables. Bien loin de ces emballements, j’étais persuadé que la science économique, la politique économique et la machine économique elle-même n’avaient rien à gagner à être envahies par l’égalitarisme. Avec un groupe d’amis réunis au Club de l’Horloge, je publiai en 1981 un ouvrage sur ce sujet, Le Grand Tabou, dont le sous-titre, L’économie et le mirage égalitaire, annonçait clairement la couleur.
Bernard Zimmern lut ce livre, l’apprécia, et c’est ainsi que nous avons fait connaissance et noué une relation poursuivie jusqu’à sa mort, en août 2020.
Nous avions, dès ce moment, des idées très proches sur les inégalités et sur l’égalitarisme dans la sphère économique. Fort de son expérience personnelle d’inventeur et d’entrepreneur, Bernard concentrait son attention sur l’innovation et sur la création d’entreprise. À juste titre, il pensait que c’étaient des ressorts fondamentaux de la croissance et de l’emploi. Des mécanismes qui, s’ils fonctionnent bien, expliquent et justifient qu’il y ait des inégalités, liées à la concurrence entre les créateurs, aux risques qu’ils prennent et à la valeur de ce qu’ils apportent à la collectivité : c’est, précisément, le sujet du présent livre.
Quelques années après, je fus associé aux premiers pas de l’iFRAP, ce think tank créé par Bernard, sur le modèle américain, pour examiner les dysfonctionnements des administrations publiques et voir comment limiter leur emprise sur le privé.
Dans une France qui venait de mettre en place une nouvelle vague de nationalisations, de décider la retraite à 60 ans, et qui allait bientôt réduire la durée légale du travail à 35 heures, les analyses et les critiques de l’iFRAP semblaient aller à contre-courant, même si elles faisaient souvent mouche. Mais, au vu de ce qui se passait hors de notre pays -notamment dans le monde anglo-saxon-, elles étaient en phase avec l’esprit du temps. Bernard Zimmern nourrissait sa réflexion de ces exemples pris à l’étranger. L’un de ses derniers livres de chevet avait été, m’a-t-il confié, les Mémoires de Ronald Reagan.
Quarante ans plus tard, où en sommes-nous ? Le bilan de ce qu’on a appelé, de façon un peu excessive, la « révolution libérale » des années 1980 est en demi-teinte. Et mon ami Bernard en était bien conscient. Cela explique certains de ses engagements ultérieurs.
D’un côté, on a pu croire, au début des années 1990, que l’économie de marché avait triomphé de l’étatisme et du socialisme : la venue au pouvoir de Reagan aux États-Unis, de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et, symétriquement, l’effondrement de l’URSS et la fin du maoïsme en étaient les signes. Francis Fukuyama avait théorisé cette « fin de l’histoire » : un marché mondial, un capitalisme mondial.
Mais, d’un autre côté, nous vivons décidément une époque bizarre.
Baisse de l’emprise publique sur l’économie ? Contrairement à l’idée reçue, le poids des dépenses publiques dans les économies les plus riches n’a pas diminué. De 1980 -point de départ habituellement considéré pour l’ère du retournement libéral- à 2018, dans les 13 pays riches (PIB par tête supérieur à 40 000 euros en parité de pouvoir d’achat) au PIB le plus élevé (pays ayant plus de 500 milliards d’euros de PIB en 2018), représentant à eux tous plus du tiers du PIB mondial, la part des dépenses publiques par rapport à ce même PIB a augmenté de plus de 3 points. Cette part n’a baissé que dans trois pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède). Elle est restée stable au Canada. Elle s’est accrue partout ailleurs, d’abord dans les quatre économies au PIB le plus élevé : États-Unis (+ 2 points), Japon (+ 5 points), Allemagne (+ 1 point), France (près de 10 points de plus !), mais aussi en Italie, en Espagne, en Australie, en Suisse et en Belgique.
Concurrence et dérégulation ? Des progrès, certes, mais jusqu’à quel point ? En 2008, le système financier, emblème, croyait-on, de l’économie de marché libérée du socialisme, a failli s’écrouler. Mais cet emblème n’était-il pas un leurre ? Un capitalisme trop concentré peut-il être réellement concurrentiel ? Ne dérive-t-il pas vers ce que l’on appelle parfois un capitalisme de connivence, contaminé par la politisation ? Que valent les mécanismes du marché dans une économie mondiale peuplée de mastodontes too big to fail, trop gros pour faire faillite ? A-t-on suffisamment tiré les leçons de cette crise alors que de nouvelles bulles grandissent et que les GAFA, en Occident, sont parvenus à un degré de concentration rarement égalé ?
Dérèglement monétaire, crise financière, monopoles, poursuite de la politisation par la dépense publique : tout cela crée de la confusion dans les esprits. Une confusion propice aux égarements intellectuels et qui sera encore accrue par les conséquences économiques de la crise du coronavirus. Deux mythologies -on pourrait aussi parler de mystiques, tant elles ont une dimension quasi religieuse- sont particulièrement actives ces temps-ci : l’écologisme, sorte de religion séculière qui ne doit pas être confondue avec l’écologie, discipline scientifique ; et plus que jamais l’égalitarisme, que la « révolution libérale » n’a nullement fait régresser.
Thomas Piketty est aujourd’hui le représentant le plus connu de cet égalitarisme newlook. M. Piketty se croit un nouveau Marx, qui bouleversera la science économique. Sa démarche, comme celle de Marx, est en réalité messianique. Dans un premier livre, Le Capital au XXIe siècle, il voulait nous convaincre que les inégalités -le péché- tendent à s’accroître ; qu’elles risquent de conduire l’économie à sa perte -l’enfer- ; et que la seule voie de salut est, non plus la dictature du prolétariat, mais la révolution fiscale -la Résurrection et le Jugement dernier. Son second pavé, Capital et idéologie, serait encore meilleur que le précédent, nous dit-il. M. Piketty persiste et signe : il promet le paradis sur terre -la fin de l’inégalité- par le « dépassement » (comprendre plutôt « trépassement ») du capitalisme et de la propriété privée. Tout cela en récupérant, au passage, certaines thématiques écologistes et celles, devenues à la mode, y compris chez des libéraux utopiques comme Gaspard Koenig, de l’allocation universelle, prétendue solution à la prétendue fin du travail.
Dans le désarroi actuel, face aux séductions des nouvelles mystiques, une deuxième refondation intellectuelle du capitalisme et de l’économie de marché est sans doute nécessaire, après celle entreprise vers la fin des années trente avec le concours, entre autres, des Français Jacques Rueff et Maurice Allais.
Sans aller jusqu’à ce niveau d’ambition, Bernard Zimmern avait bien compris certaines limites du libéralisme et les difficultés pratiques de briser la « tyrannie du statu quo », décrite par Milton Friedman, qui favorise le maintien des interventions publiques. Infatigable, il voulut, au début des années 2000, faire avancer la réflexion sur l’entreprise en développant des travaux de recherche originaux : ce fut l’objet de l’Institut de recherche pour la démographie des entreprises (IRDEME), sous l’égide duquel le présent livre est publié.
Un certain nombre d’éléments de ce livre sont issus des travaux de l’IRDEME. Bernard y approfondit l’analyse du lien entre création d’entreprise, emploi et inégalités. C’est le mouvement même de la concurrence et de l’innovation qui produit des inégalités entre entreprises et entre producteurs. Elles sont modélisables par des lois statistiques (distributions dites de Pareto) analogues à celles que l’on rencontre, en physique, dans l’analyse du mouvement des gaz dans l’atmosphère. Tout cela conduit Bernard à une critique sans ménagement des thèses de Piketty et de ses amis. Ayant souvent évoqué ces questions avec lui, je peux attester combien cette reformulation contemporaine de la vieille passion égalitaire avait le don de l’agacer.
Achevé en 2019, ce livre me fut communiqué sous une première version qui nécessitait, à la relecture, certaines rectifications techniques. Les modifications que j’ai proposé d’y apporter ont été approuvées par Bernard, mais il n’a pu prendre connaissance de la présente préface, que je dépose ici comme un hommage ému à un homme exceptionnel.

Philippe Baccou

Pour commander le livre :

Le Publieur | Amazon | Fnac

 

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