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Industrialisation : l’entreprise agile

par Yves Buchsenschutz
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Nous étions en train de réfléchir aux éléments importants dans un éventuel programme de réindustrialisation de la France et nous nous posions la question des éléments qui pourraient être importants « hors coûts ». L’un d’entre nous avança le terme d’agilité.

Immédiatement derrière il enchaîna sur l’exemple suivant :

« J’ai toujours en tête l’exemple de l’entreprise japonaise où j’avais eu la grande chance de faire mon stage étranger de 2ème année d’HEC. J’étais d’ailleurs le seul des 12 HEC à faire le voyage cette année-là, à le faire dans une société japonaise, tous les autres le faisant dans des sociétés françaises implantées au Japon. C’était en 1967 !
La société était KANEBO, grande société textile qui existe toujours (elle a je crois des bureaux à Paris sur les Champs-Elysées). Comparant avec ma petite connaissance du textile français du Nord en tant que Chti, j’ai été estomaqué par :
– Le modernisme des usines ! Tout dernier cri avec des machines allemandes. Dans une usine de teinturerie, on se déchaussait à l’entrée pour ne pas salir l’usine, comme dans une maison !! ;
– Le basculement total en à peine 2 ou 3 ans pour passer du textile naturel (laine – coton) au textile synthétique ;
– Dans la rue au Japon, si vous questionniez les gens sur Kanebo, ils vous répondraient « ice cream » ! Après la guerre, Kanebo a dû rapatrier tous ses employés qui travaillaient dans ses usines en Corée. Comme il n’était pas question de les licencier, qu’en faire ? Après analyse, ils sont convenus qu’il y avait une demande pour des glaces. Ils l’ont fait. Pourriez-vous imaginer à cette époque Boussac faisant des glaces Miko ? On sait depuis ce qu’est devenue Boussac… »

Un autre participant ajouta « Plus récemment : ce thème de l’agilité me rappelle la stupéfaction d’un acheteur de la grande distribution qui, en mars 2020, à la recherche de masques introuvables, prit contact avec un de ses fournisseurs de jouets en Chine pour lui demander si, dans son réseau, il ne connaitrait pas un fabricant capable de l’approvisionner en ces si précieux articles.

Trois jours plus tard, son interlocuteur le rappela : « j’ai trouvé votre fournisseur, c’est moi ! J’ai installé 3 lignes de fabrication de masques dans notre atelier, je vous envoie les premières livraisons en fin de semaine ! »

Certes, l’exemple se passe en Chine, mais, comme on dit, il… interpelle !

Et d’ajouter : c’est un état d’esprit, et ça ne pousse pas dans des terrains hostiles.

Notre premier intervenant reprit alors la parole :

Un très bon ami français habitant Pékin avait acheté une vieille ferme au pied de la muraille de Chine pour s’évader les week-ends et fuir la pollution pékinoise. Pendant les travaux de rénovation, on l’appelle un mardi pour lui dire que la toiture fuit à un endroit et qu’il va falloir la changer, y compris la charpente. Il répond que s’il n’y a pas d’autre solution, il faudra bien le faire. Pour traiter la question, il se rend sur place le samedi et demande à voir. « C’est là » – « Mais il n’y a pas de fuite » – « Vous aviez dit qu’il faudrait changer la toiture, eh bien on l’a fait » !!!

Autre exemple : à la demande d’amis français installés à Pékin, je me suis rendu à Pingyao, une « Carcassonne » chinoise authentique à 600 km de Pékin. Deux sœurs chinoises ayant gagné de l’argent dans l’exploitation de mines de charbon, avaient acheté 2 vieilles maisons traditionnelles pour les aménager en hôtel. La maison mitoyenne était aussi à vendre. Elles voulaient savoir s’il était opportun de l’acheter. Après visite des lieux, je leur dis sur place qu’il me semblait effectivement opportun de le faire. Rentré à Paris 2 jours plus tard, je le leur confirme par mail. Elles me répondent que c’était fait, elles avaient acheté !

Personnellement, j’avais participé à ce même voyage au Japon et avait réalisé une étude sur les chantiers navals de ce pays qui étaient à la pointe de ce métier dans le monde à l’époque. Chez Nippon Kokan et IHI, analysant que les Liberty Ships de la seconde guerre mondiale arrivaient en bout de course, ils proposaient « sur étagère » un cargo standardisé de 13 000 tonnes au lieu de 5000, le « Freedom ». Condition sine qua non : accepter le cargo sans aucune modification, on les ferait après la livraison. Résultat : coût et délais de livraison imbattables. Pour être honnête, je ne connais pas la fin de l’histoire…

L’agilité dans les esprits et les comportements, associée à la prise de risque, est certainement un facteur important de la réussite industrielle, mais il est difficile à cultiver. Quelque part, nous y reviendrons, mais il faut en avoir envie.

Ceci d’autant plus que le principe de précaution, la recherche de sécurité (et d’harmonisation, y compris de la concurrence) génère tous les jours de nouveaux freins à l’innovation et au développement d’idées nouvelles et d’investissement. Un petit exemple, vécu également récemment : souhaitant réaliser un achat immobilier en partie grâce à un prêt, et voulant déléguer ma signature à mon notaire, j’ai reçu un document de 28 pages (j’ai bien dit 28) à signer devant une personne susceptible de certifier mes paraphes ! Joint : une demande à remplir avec mon banquier pour justifier l’origine des fonds qui viennent tout simplement de mon compte bancaire, via mon banquier bien entendu.

Savez-vous que cette année, la récolte des betteraves à sucre en France a été sacrifiée sur l’autel du glyphosate : nous importerons donc l’année prochaine notre sucre, comme nos tomates, des Pays-Bas ou d’Allemagne. Pas une directive, européenne ou mondiale, qui ne soit, non pas simplement traduite en droit français, mais réécrite, avec « améliorations » pour favoriser le développement d’entreprises vertueuses. Normalement, les Américains, Hollandais, ou Allemands devraient mourir comme des mouches ! Et les Français vivent, mal, mais protégés.

NB: l’agilité s’acquière et se cultive dès le plus jeune âge en multipliant les expériences, pour lequel notre système éducatif national « uniforme » n’est pas propice.

 

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