La troisième loi de finance, de juillet 2020, semblait contenir une bonne surprise, passée largement inaperçue :
Un nouvel abattement sur les dons familiaux a été voté afin de soutenir les projets des plus jeunes !
Enfin un geste de l’Etat pour inciter à créer, entreprendre, développer ?? La Covid aurait-elle des effets secondaires, aussi inattendus que bénéfiques, sur nos parlementaires et nos fonctionnaires inopinément touchés par la Grâce ?
Absolument !
Bon, il y a cependant quelques bémols :
Par exemple, le montant maximum ne dépasse pas 100 000 €… par donateur. Donc si votre progéniture est vaste et fourmille de projets, il va falloir saupoudrer.
Cette générosité ne peut être dévolue qu’aux enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, et aussi aux neveux ou nièces, étant précisé que, dans ce cas, il ne peut s’agir que des enfants des frères et sœurs du donateur, mais pas ceux et celles du conjoint du donateur. Simple, non ? Il fallait y penser.
Et puis, il ne faudrait pas croire que l’on va laisser ces petits jeunes choisir leurs projets : Dieu merci, l’administration omnisciente et bienfaitrice est là pour les guider. Vous ne le saviez pas, mais il n’y a que 3, oui 3, types de projets de développement dignes de bénéficier d’un soutien étatique :
1. faire construire sa résidence principale (on ne rit pas),
2. réaliser des travaux de rénovation énergétique…dans sa résidence principale, s’il est propriétaire,
3. soutenir une jeune entreprise …dans laquelle il exerce une fonction de direction….
En outre, l’exonération est temporaire : il faut faire le don avant le 30 juin 2021. Pas de temps à perdre, d’autant que le projet doit être bien avancé car l’heureux élu devra utiliser ces sommes au plus tard le dernier jour du 3ème mois suivant leur transfert…Vous avez bien lu.
Pour ceux qui envisageraient d’affecter leurs dons à la souscription au capital de l’entreprise qu’ils dirigent ou qu’ils ont lancée, c’est « également très simple » : il suffit que la structure ait moins de 5 ans, moins de 50 salariés (faut surtout pas encourager les entreprises qui se développent, et au-delà de 50 pinpins, ça sent le capitalisme multinational sauvage ), ne pas avoir un bilan supérieur à 10 millions d’euros, et…que ladite structure ne soit pas issue d’une concentration d’entreprises : normal, après fusion, même avec moins de 50 salariés, il est certain que la concurrence sera étouffée : heureusement que Bercy veille au grain !!
Il y a encore plusieurs restrictions, mais je pense, cher lecteur, que vous êtes déjà au bord de la saturation. Néanmoins, je ne résiste pas à vous en donner une dernière : le bénéficiaire de cette générosité doit exercer une fonction de direction… pendant au moins 3 ans à compter de la souscription du don ! Donc, s’il se fait virer, c’est la double peine : plus de job, et plus d’exonération fiscale !
Ce petit bijou d’absurdie permet bien entendu aux « autorités » d’annoncer la main sur le cœur leur volonté de soutenir le développement des entreprises et « en même temps » de s’assurer que les modalités concrètes de ce soutien soient suffisamment dissuasives pour ne pas y avoir recours……
La conclusion d’un des principaux spécialistes du conseil en gestion de patrimoine de la place est sans appel :
« Compte tenu du caractère très restrictif des emplois possibles, il est vraisemblable que ce dispositif ne sera pas très utilisé. »
… C’est une litote.
2 commentaires
Précision
Merci d’attirer notre attention sur cette mesure. En fait il s’agit d’un assouplissement temporaire d’un dispositif introduit par Sarkozy : les dons intra-familiaux de sommes d’argent . Il augmente significativement le plafond mais l’applique par donateur et élargit le cercle des bénéficiaires mais restreint l’usage des sommes. Au delà des limitations énumérées, il importe de préciser que ces dons doivent être faits en numéraire : on ne peut pas l’utiliser pour donner des titres ou des biens. Il y a encore d’autres limitations comme on peut le voir ici : https://www.bpe.fr/banque-privee/public/web/c_18285/du-nouveau-pour-les-dons-familiaux .
Ce dispositif est une aubaine pour les neveux et nièces des personnes âgées sans enfant pour lesquels il permet d’éviter le frottement de 55% qui est la règle dans ce cas de figure.
Reconnaissance (presque) éperdue
A l’attention de l’auteur, Philippe Douay,
Je suis en larmes devant tant de générosité concernant cette nouvelle mesure, qu’il me soit permis d’assombrir mon compliment à l’égard de Sainte Bercy qui n’a pas pris de disposition pour la fourniture de mouchoirs (en papier ou tissu) pour sécher nos abondants torrents de pleurs.