Les chiffres officiels sur les créations d’entreprises en France sont artificiellement gonflés par la prise en compte d’entreprises sans salariés. Par ailleurs, les autres pays, comme par exemple les États-Unis ou l’Allemagne, publient leurs statistiques uniquement pour les entreprises employeuses puisqu’elles seules comptent pour la création d’emplois. Les entreprises sans salariés ne sont que des zombies avec une chance minime de grossir et de devenir un jour des entreprises employeuses.
À chaque fois que nos politiques se félicitent des succès de l’entrepreneuriat en France et de l’augmentation du nombre de créations d’entreprises, il faut s’en méfier, puisque les chiffres qu’ils ont eus sous les yeux étaient sûrement ceux qui incluent les entreprises sans salariés.
C’est pratiquement devenu un lieu commun de parler de plus de 500.000 entreprises créées chaque année en France. Les chiffres sur les créations d’entreprises tels que publiés par l’INSEE sont présentés en base mensuelle, et tous les médias les reprennent régulièrement sans trop regarder dans les détails, d’où l’affirmation que nous créons chaque mois près de 45.000 entreprises nouvelles. Vraiment ?
Certains médias vont un peu plus loin et font une remarque que, selon l’INSEE, près de 50% de toutes les entreprises créées sont celles des auto-entrepreneurs, qui avec tous les autres régimes d’entreprises individuelles représentent 70% dans l’ensemble des créations.
Mais aucun média, ni l’INSEE lui-même, ne met en avant le fait que 95% de toutes les créations sont des entreprises sans salariés. Par conséquent, le véritable nombre d’entreprises employeuses créées en France est d’environ 30.000 par an, chiffre certainement peu connu par nos politiques.
Cas américain
Comme en France, les entreprises sans salariés représentent une part considérable de toutes les entreprises créées aux États-Unis. Mais contrairement à leurs homologues françaises, elles ne sont pas répertoriées dans les statistiques officielles, leur véritable nombre étant difficilement connu jusqu’au début des années 2000 où les administrations américaines ont commencé à faire des rapports plus poussés pour connaître davantage ce type d’entreprises.
La Small Business Administration (SBA) a fait en 2009 une demande spéciale auprès du Census, qui ne considère comme création d’entreprises que celles créées avec au moins 1 salarié, d’effectuer exceptionnellement les dépouillements du nombre de créations et de destructions d’entreprises sans salariés pour pouvoir comparer leur évolution à celle d’entreprises avec salariés.[[Il se trouve que les entreprises sans salariés se caractérisent par la turbulence schumpetérienne trois fois plus forte que celle d’entreprises avec salariés.]]
Le principal argument de la SBA consiste à dire que les entreprises sans salariés sont très difficiles à identifier puisque souvent elles représentent une activité secondaire de leur créateur, en complément de son travail rémunéré, et par ailleurs le potentiel de croissance de ces entreprises est extrêmement faible.
Entreprises sans salariés et entreprises individuelles
Les entreprises sans salariés sont des entreprises qui n’ont aucun salarié, et qui sont dirigées par une ou plusieurs personnes dans le statut de créateur(s). Souvent les entreprises sans salariés représentent une activité à temps partiel, basée au domicile d’un de ses créateurs qui y consacrent moins de 40 heures par semaine. Dans la définition officielle, le Census ajoute aussi une obligation d’avoir au moins 1.000 dollars de chiffre d’affaires (ou 1 dollar dans le cas de la construction) pour être reconnue dans les statistiques des entreprises sans salariés.
Contrairement aux entreprises sans salariés, les entreprises individuelles sont dirigées par une seule personne, mais n’ont pas de personnalité morale. C’est un concept légèrement différent de celui d’entreprises sans salariés dans le sens où les entreprises individuelles représentent souvent une activité principale de cette personne, qui est par conséquent répertoriée dans les statistiques du marché du travail.
Les entreprises sans salariés sont donc des businesses, et les entreprises individuelles représentent des personnes. Mais dans la plupart des cas les entreprises individuelles n’emploient aucun salarié, et par conséquent on peut parler d’équivalence entre les deux termes.
L’intérêt que portent les organismes comme la SBA aux entreprises sans salariés est que ces dernières représentent une vraie masse, mal identifiable et peu explicable, d’où un jour peuvent émerger quelques chanceux avec des salariés qui vont immédiatement apparaître dans toutes les statistiques officielles sur l’évolution des entreprises et de l’emploi. Mais quelques chiffres découverts récemment par cette même SBA mettent en doute la possibilité de cette réussite.
Il se trouve que parmi les entreprises sans salariés seules celles dirigées par plusieurs personnes ont une chance de grossir ; les entreprises avec un seul créateur vont rester dans la plupart des cas sans salariés. Pourtant, d’après plusieurs études conduites par la SBA, 90% des entreprises sans salariés ne possèdent à la création qu’un seul créateur.
Cette certitude avec laquelle l’INSEE continue de comprendre les entreprises sans salariés, ainsi que les entreprises individuelles représentées notamment par les auto-entrepreneurs, dans toutes ses statistiques officielles, nous laisse stupéfaits. Est-ce vraiment sur des zombies que nous plaçons tous nos espoirs ?