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Entre Charybde et Scylla ! (Plan de redressement)

par Yves Buchsenschutz
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L’environnement, mais aussi les divers articles que nous avons pu produire, vous ont je l’espère, convaincu que la France était dans une mauvaise passe : en résumé, 5 % de déficit annuel soit environ 172 Milliards d’€ en 2024  lesquels viennent s’ajouter à une dette déjà significative de 3200 Milliards. Même en écartant nos engagements européens, la situation n’est pas bonne, d’autant plus que l’amélioration du pouvoir d’achat des Français depuis plusieurs années est en fait fictive, alimentée par une redistribution étatique financée par le déficit puis la dette. D’après nos estimations, ce décalage représente d’ores et déjà un bonus supérieur à 15 % ! En tout état de cause il devient dangereux de continuer dans cette voie.

L’ensemble des analystes aujourd’hui constatent que nous n’avons que deux leviers pour échapper à ce « squeeze », en gommant le plus possible les conséquences sur le pouvoir d’achat : entreprendre un programme général d’économie et de productivité d’un côté (pour alléger le numérateur) et de l’autre, si possible, tenter d’accélérer la croissance du PIB national en particulier marchand, domaine sur lequel nous avons été particulièrement peu performants ces dernières années. (Voir divers articles de l’Irdeme (AM, BN, CS, PHB, YB …).

LES ÉCONOMIES

1.

le temps de travail des Français sur une vie complète est trop décalé par rapport à nos concurrents européens, sans même intégrer les pays à bas coût de main-d’œuvre.

  • Les Français commencent à travailler trop tard et s’arrêtent trop tôt. Les études n’en finissent pas et la durée de retraite n’est pas corrélée à l’espérance de vie ;
  • Les durées de travail hebdomadaires et les congés sont devenus incompatibles avec la compétition internationale ;
  • l’absentéisme est important ;
  • la productivité, au moins ponctuelle, est plutôt bonne à l’exception d’une fonction publique qui ignore pratiquement cette notion.

Un aménagement combiné de l’âge de la retraite, de la durée de cotisation et du taux de remplacement devrait permettre des économies de l’ordre de 30 milliards d’euros par an, tant en cotisations supplémentaires qu’en versements supprimés.

2.

la France supporte un taux de chômage très anormalement élevé. Malgré des progrès récents nous sommes encore à 7 % de taux de chômage quand les autres sont à 4%. Tout porte à croire que les conditions d’indemnisation ne sont encore pas suffisamment incitatives pour faire comprendre la différence entre chômage et vacances (voir en particulier le chômage de longue durée).

Un alignement des conditions d’indemnisation et de gestion ramenant le taux à 4 % pourrait pour les mêmes raisons que ci-dessus, rapporter environ 30 milliards par an

3.

la France, et c’est tout à son honneur, tente de protéger le mieux possible ses anciens retraités par une actualisation régulière de leurs pensions. Il n’apparaît pas raisonnable néanmoins de vouloir à tout prix les actualiser sur la base des salaires par exemple.

Les retraités « actuels » ont bénéficié d’un effet d’aubaine un peu particulier : départ à 60 ans au lieu de 65 ans et un niveau de vie comparable aux actifs. Il ne serait pas « injuste » de limiter la revalorisation des retraites existantes, ce qui a d’ailleurs déjà été fait certaines années. Un an de décalage représente 5 milliards par an, cumulables.

4.

La France entretient sans discuter trois mammouths dont nous savons pertinemment, soit par une compétition larvée avec le privé (éducation et santé en particulier), soit par des comparaisons internationales, que l’on peut mieux faire : les services de santé (10 % de frais administratifs de plus que l’Allemagne par exemple), l’éducation nationale (ratio effectifs enseignants payés sur effectifs payés totaux) et poids global de la fonction publique et des redistributions. Au passage, notre système fait qu’une large part de ces excès est financée via les entreprises  ce qui grève d’autant leur compétitivité.

Des études d’organisation, couplées avec des freins à la dépense de type Suisse et des efforts de la part des collectivités locales devraient pouvoir apporter également des économies substantielles du même ordre

5.

On ne compte plus les doublons dans nos administrations, ce qui, de plus, complexifie inutilement les rapports de celle-ci avec la société civile : double traitement des dossiers, durées, contradictions etc.

La création  d’un National Audit Office à l’anglaise devrait permettre d’introduire définitivement la notion de productivité dans l’administration. En Grande Bretagne, les administrations doivent régulièrement rendre compte de leur gestion devant un panel de parlementaires, avec obligation de résultat. (En variante,élargir le rôle de la Cour des Comptes).

6.

Arrêter les créations continues et intempestives de nouvelles prestations sociales mettant à la charge de l’État et de la collectivité des dépenses personnelles type Pass culture, réparation ou alimentaire . (= Transfert de niveau de vie) ou les niches fiscales diverses.

Globalement l’institut Montaigne évalue à 150   Milliards les économies annuelles possibles par rapport à notre fonctionnement actuel, ce qui s’approcherait au moins du déficit annuel1.

Pour en terminer avec les besoins de financement il faudrait d’ailleurs désormais ajouter d’éventuelles dépenses non négligeables pour :

  1. le redéploiement industriel, les relocalisations, la recréation d’emplois et l’exportation ;
  2. le changement climatique et le nouveau programme nucléaire ;
  3. le réarmement :
  4. possiblement le soutien de la démographie ;

LES RECETTES : LE PIB

L’autre manière de soigner le problème, plus élégante mais peut-être plus difficile, est d’augmenter les recettes, en particulier le PIB « marchand ». L’idéal est évidemment de développer l’industrie car plus créatrice d’emplois, directs et induits, plus sujette à  productivité ultérieure comme à génération d’exportation. Ceci rejoint d’ailleurs des analyses historiques de l’IRDEME : Bernard Zimmern lui-même signalait un déficit d’emplois marchands en France de près de 6 Millions dès 2017.

Il ne faut pas se cacher que c’est un problème difficile mais voici tout de même quelques pistes recommandées par d’anciens industriels.

  1. EN AVOIR ENVIE : La création et le développement d’activités nouvelles est toujours un chemin difficile. Par contre, ainsi que l’expliquait un jour Jacques Delors : devenir cadre supérieur vous permet d’acheter un appartement familial à Paris, mais si vous voulez faire fortune, il vaut mieux créer votre propre activité. Soit pour devenir riche, soit aussi par désir d’indépendance. Cela peut aussi être une voie stimulante. Ce phénomène peut être consolidé par diverses formes de hub : associations, clubs, cercles régionaux ou professionnels ( exemples des Charentes ou de Valence en Espagne). La création d’entreprises est comme la création de la famille : contagieuse.
  2. Identifier un marché ou une fonction économique et sociale, faire l’effort de les comprendre, choisir son créneau et sa stratégie ; être capable d’évaluer son idée ainsi que ses chances de réussite. (Choix du segment qualité-prix).
  3. Dans le cas de développement d’activités existantes, être capable de projeter des développements successifs s’appuyant les uns sur les autres tant en termes de lancement que de marque et d’investissement : par exemple passer de Carrefour hypermarchés à Carrefour Market etc …
  4. RENDRE LA France ATTRACTIVE pour les ENTREPRENEURS, y compris étrangers et faire connaître ses atouts à leur juste valeur : un marché déjà significatif, de l’espace, de l’énergie bon marché si tant est que la France soit capable de capitaliser sur son parc nucléaire, ses infrastructures (TGV Autoroutes, communications …), la qualité et la quantité de sa main-d’œuvre (à surveiller : les formations utiles, l’apprentissage et l’enseignement de l’économie2), une main d’œuvre disponible (à surveiller dans les nouvelles générations).
  5. Valoriser auprès des jeunes la création d’entreprise et la compréhension que la prise de risque et l’expression créative de ses talents, sera la seule légitimité pour des gains importants.
  6. Simplifier au maximum les processus de création : il n’est pas normal qu’il faille un an et demi pour créer une entreprise en France et la moitié de ce temps dans les pays voisins. Ceci est vrai tant pour les processus purement administratifs que pour les financements, les disponibilités physiques et les constructions. reTenter le guichet unique au niveau des territoires.
  7. Tenter de transformer les Français, rentiers par tradition, en joueurs-acteurs économiques et imaginer les modes de financement correspondants en favorisant l’épargne investie dans le développement d’activités créatrices de PIB et d’emplois. Favoriser les investisseurs prenant des risques-pertes plutôt que l’impôt des réussites.
  8. Probablement identifier un certain nombre de métiers relocalisables car des technologies moins gourmandes en main-d’œuvre ont émergé.
  9. Favoriser l’exportation et l’international.
  10. Favoriser la R&D et l’innovation (vive le crédit impôt-recherche).
  11. Déplacer la répartition des charges sociales entre les cotisations de productifs et d’entreprises vers l’impôt universel des habitants.
  12. Redonner sa chance à celui qui a échoué : il a eu au moins le mérite d’essayer .
  13. Enfin, en particulier pour les chômeurs et les fonctionnaires renforcer la réemployabilité. (Formation adaptation changement de métier et/ou de statut).
  14. Accessoirement, étudier la réussite de l’Espagne et de la Grèce en matière de développement ainsi que celle des économies dans les pays du Nord.

LES 350 ENTREPRISES DU « CHALLENGE DE LA CROISSANCE » DES « ÉCHOS » PRÉVOIENT DE CRÉER 15000 EMPLOIS EN 2025. POUR AVOIR UNE INFLUENCE SIGNIFICATIVE, IL EN FAUDRAIT AU MOINS 100 000 PAR AN PENDANT PLUSIEURS ANNEES DE SUITE. L’ETAT DOIT TROUVER UN MOYEN EFFICACE DE PARTICIPER ! PROBABLEMENT PAR LE BIAIS D’AIDE A L’INVESTISSEMENT MAIS C’EST UN ART DIFFICILE, COÛTEUX ET DANGEREUX !

COMMENT ?

Il y a fondamentalement deux méthodes pour appréhender ce genre de problèmes, au demeurant difficiles, il est vrai : la « tronçonneuse » et la « persuasion ». La première crée souvent plus de dégâts que de résultats et les rapports, bien étayés au demeurant, dorment dans les tiroirs, ou se heurtent à la résistance acharnée du « terrain ».  La deuxième elle, risque fort de rester un vœu pieux. Or ce que nous cherchons, c’est un résultat !

Il me semble en général résulter de la configuration suivante :

La constatation, par tous les concernés, de l’ardente obligation d’agir sous peine très probable de disparition.

La définition des objectifs, relativement détaillés, à atteindre par les responsables politiques et sociaux.

La réalisation et la concrétisation de ces objectifs par les intéressés en collaboration avec les décideurs.

Dans tous les cas, l’ensemble des citoyens  doit participer à l’effort commun : c’est la condition de la réalisation.

Une amorce de répartition de l’effort pourrait être la suivante :

  • aux retraités « en cours » : le freinage de l’actualisation des retraites.
  • aux actifs : la reconstruction du temps de travail dans une vie complète et son adaptation à l’évolution de l’environnement concurrentiel3  et de l’espérance de vie.
  • aux fonctionnaires : un alignement progressif de leur statut sur un statut unique (privé et publique), sauf cas exceptionnels très particuliers.
  • aux privés : l’ardente obligation de créer de l’activité et de l’emploi, oser et faire participer les actionnaires mais aussi le personnel à la réussite.
  • à tous : l’acceptation que le niveau de vie réel devra stagner (globalement) pendant la période de reconstruction.
  • au personnel politique : l’ardente obligation de montrer l’exemple et d’adopter un comportement exemplaire, aligné sur des pays comme la Norvège par exemple, où un ministre paye son taxi ! L’exemplarité ne peut pas être « les autres ».
  • aux jeunes :  rentrer plus tôt et plus vite dans la vie active pour avoir une retraite « pleine et entière ». (et élever au moins deux enfants).
  • aux « nantis » : relégitimer leur aisance dans l’investissement et la prise de plus de risques, en France !
  • aux collectivités locales et aux populistes : arrêter de gaver les électeurs de promesses et de gadgets coûteux : là aussi il y a des économies à trouver.

J’espère que je n’ai oublié personne dans ce plan de redressement ! Merci d’avance pour vos commentaires !

  1. Voir annexe « Pébereau » ↩︎
  2. l’entreprise ne peut heureusement pas se résumer à être un lieu d’exploitation comme le mentionnent encore souvent les manuels scolaires en France. ↩︎
  3. le temps de travail diminue rapidement depuis plus d’un siècle et n’a aucune raison de ne pas continuer dans cette tendance. Nous ne pouvons pas par contre faire cavalier seul. ↩︎

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4 commentaires

Jean-Philippe HUBIN mars 21, 2025 - 7:02 pm

Toujours ravi de vous lire je reste persuadé que B.Zimmern avait raison ; ce n’est pas l’Etat mais nous les français qui EN ENTREPRENANT pouvons changer le sens de la pente sur laquelle nous sommes.
Trop de monde dans les administrations : une loi de dégagement des cadres ; trop de chomeurs : la réduction des avantages des chomeurs ; pas assez d’entreprises : revenir à des impots sur les plus values plus bas et surtout ne pas taxés les plus values sur des décennies, au plus 5 ans. et pas au taux de 30% , le fisc ne peut pas etre propriétaire de 30% du capital crée en france.

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Yves Buchsenschutz mars 24, 2025 - 7:37 am

Merci le Portugal !

C’est beau ?

Amitiés

Yves

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moulin mars 23, 2025 - 2:22 pm

Tout résoudre en quelques trimestres n’est pas réaliste : la France et les Français sont dans cette très mauvaise situation pour beaucoup de blocages bien incrustés depuis des décennies face à une situation mondialisée et une monnaie partagée « unique » vis-à-vis desquelles, notre vieux pays centralisé, n’a pas réussi à construire de nouveaux processus positifs entre les parties prenantes

Comment débloquer notre pays qui dépense trop et gaspille par idéologie pour économiser et investir bcp mieux?

1!! arrêter d’investir dans les ENR payés in fine par les consommateurs et qui ont représenté et pourraient représenter des centaines de milliards d’euros : https://www.youtube.com/watch?v=l7drH1zyUuw

2!! cesser de soutenir après les avoir surtaxées les entreprises à faible productivité et rentabilité et soutenons fortement les entreprises en croissance (parce qu’elles ont des atouts sur la concurrence) en facilitant la formation des disponibles ou rendus disponibles par l’arrêt des entreprises zombies.

si la productivité moyenne et le PIB rattrapent les meilleurs niveaux, le reste suivra.

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François HENIMANN mars 23, 2025 - 6:11 pm

J’adhère globalement au plan d’économies
S’agissant des dépenses nouvelles, le programme massif d’investissements nucléaire (prolongation du parc existant jusqu’à 60 ans, voire plus et son renouvellement avec extension) ne doit pas être financé par de l’argent public – voir projet de prêt bonifié de l’Etat à EDF – mais bien par les consommateurs, particuliers comme entreprises, comme cela a été fait entre 1975 et 2000 pour construire le parc historique, l’Etat intervenant par la régulation du prix de l’électricité, afin de garantir le cash flow d’EDF nécessaire pour investir et rembourser les emprunts : cet eco-système permet de limiter les risques, donc d’optimiser le coût du financement, qui intervient à plus d’1/3 dans le coût du MWh nucléaire en production.
C’est tout à fait possible de mettre en place un prix régulé du nucléaire en France (qui représenterait 2/3 de la composante fourniture de la facture), qui serait de l’ordre de 65 €/MWh (2025) à partir de 2026 – cela permet de financer la prolongation du parc -, pour évoluer progressivement à long terme vers 70-80 €/MWh au fil de l’engagement des investissements pour les EPR2.
C’est un dispositif qui est d’ailleurs déjà en place pour le financement des réseaux (env 7 Md€ d’investissement par an pour RTE et ENEDIS) avec le TURPE, et que les anglais vont mettre en place avec EDF Energy pour la construction des 2 EPR de Sizewell.
Dommage que la loi NOME, avec un prix de l’ARENH bloqué à 42 €/MWh – provoquant une perte de cash flow de 6 Md€ /an pour EDF sur la production nucléaire – n’a pas été appliquée correctement,
Espérons que Bernard Fontana, qui succède à Luc Rémont (qui a chuté sur ce dossier, et non sur l’aspect industriel), saura proposer la stratégie idoine au gouvernement, et que celui-ci aura la volonté de convaincre la commission UE.

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