Page d'accueil Regards sur l'actualité Énergies et politiques : de grandes incertitudes et un affaiblissement de l’influence française en Europe !

Énergies et politiques : de grandes incertitudes et un affaiblissement de l’influence française en Europe !

par François Henimann
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Panorama des nouveaux responsables politiques dans le domaine de la transition énergétique : Cet article analyse le renouvellement des responsabilités politiques dans le domaine de l’écologie et de la transition énergétique, au niveau français (gouvernement dirigé par Michel Barnier), et européen (nouvelle commission UE dirigée par Ursula Van der Layen).  l en résulte une grande incertitude sur l’évolution de la stratégie énergétique française, alors que l’influence de la France en Europe est clairement affaiblie, avec une remise en cause possible du soutien au nucléaire.

La répartition des responsabilités politiques au sein du gouvernement Barnier dans le domaine de l’environnement et de la transition énergétique est complexe, voire paradoxale :

Antoine Armand, ancien député macroniste, ministre de l’économie et supervisant l’industrie, n’est pas en charge de ce domaine, alors qu’il connaît bien le domaine de l’énergie (rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur la perte de souveraineté énergétique de la France en 20231), et qu’il a déclaré dans sa première interview au JDD que l’énergie est « l’industrie de l’industrie ».

Le pilotage de la politique énergétique rejoint le ministère de l’écologie, dirigé par Agnès Pannier-Runacher : celle-ci, macroniste classée à gauche, s’est montrée courageuse et persévérante pour défendre le nucléaire au niveau de l’UE en 2022 et 2023, après le discours de Belfort du Président candidat : inclusion dans la taxonomie verte, accès du nucléaire dans la réforme du marché UE de l’électricité aux même outils de financement que les ENR intermittentes (Contrats pour Différence avec garantie de l’État, PPA), et constitution d’une Alliance de 12 États Membres pro nucléaires en face de l’Allemagne et consorts2.

Il n’en reste pas moins que c’est une fervente supportrice du pacte vert UE et du net zero 2050, avec réduction à marche forcée de la consommation énergétique (930 TWh en 2050, contre 1620 TWh actuellement), généralisation des véhicules électriques et des ZFE (zones de faible émission), contraintes fortes sur l’isolation des bâtiments relevant de l’écologie punitive, développement à marche forcée de la production d’électricité par des énergies renouvelables intermittentes  (ENRi),  notamment l’éolien maritime et solaire. En témoigne le projet de stratégie énergétique pour la France que son ministère avait publié en novembre 2023 (3 et 4).

Sa ministre déléguée à l’énergie, Olga Givernet, ancienne députée macroniste, bien qu’ingénieure, n’a aucune référence ni expérience dans le domaine énergétique, en-dehors de sa participation à la commission d’enquête citée plus haut.

Au niveau de Matignon, on note un signe positif avec la nomination de Vincent le Biez comme conseiller environnement de Michel Barnier, Premier Ministre : major de l’X en 2004, corps des mines, a été un des responsables de l’Agence des Participations de l’État (APE) et membre des conseils de surveillance de RTE et ENEDIS, avant de devenir adjoint de la Délégation interministérielle du nouveau nucléaire.

Espérons qu’il remplace Antoine Peillon, secrétaire général à la planification écologique nommé sous Élisabeth Borne, et maintenu sous Gabriel Attal, qui a largement influencé Agnès Pannier-Runacher dans la proposition de stratégie énergétique de la France évoquée plus haut, alignée sur le pacte vert UE.

Michel Barnier, dans sa déclaration de politique générale, a indiqué vouloir agir sur l’offre énergétique, tout en maîtrisant les besoins en énergie en faisant preuve de sobriété et d’efficacité. En ce qui concerne la production d’électricité, il veut poursuivre résolument le développement du nucléaire, et notamment les nouveaux réacteurs, et poursuivre le développement des énergies renouvelables, en mesurant mieux l’ensemble de leurs impacts, citant spécifiquement l’éolien.

Au niveau Européen, Ursula Van der Layen, qui avait besoin du soutien d’Emmanuel Macron pour être reconduite à la tête de la Commission, et faisait mine de soutenir le nucléaire, a pris, une fois confortée, des décisions défavorables aux intérêts de la France : départ de Thierry Breton, qui supportait le nucléaire, et avait imposé une clause de revoyure et un suivi périodique serré de l’application de la décision de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, et proposition de nomination de deux commissaires anti nucléaires notoires : Teresa Ribera Rodriguez et Dan Jorgensen 5.

Teresa Ribera Rodriguez sera vice-présidente exécutive de la Commission, et en charge de la « transition propre, juste et compétitive ». Ministre socialiste espagnole de la Transition Écologique depuis 2018, elle est connue comme une promotrice du pacte vert européen et pour son opposition dogmatique à l’énergie nucléaire.

Dan Jorgensen sera en charge de l’énergie et du logement. Ministre socialiste danois pour l’énergie et le climat depuis 2019, il s’était montré l’un des opposants les plus résolus à l’introduction de l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte, et il est également un promoteur résolu du pacte vert européen.

En conclusion, l’incertitude sur la ligne politique du nouveau gouvernement en matière de politique énergétique, et l’affaiblissement de l’influence française en Europe, consécutive à son déclassement économique et financier, sont problématiques à un moment où il y a deux sujets  importants à traiter, qui sont en jachère depuis un an :

  • La restructuration du marché de l’électricité et le financement du nucléaire, avec la fin de la loi NOME et les risques de déséquilibre financiers et physiques sur le système électrique générés par le développement inconsidéré des ENRi, en France et en Europe.
  • La stratégie énergétique de la France, dont le mix électrique n’est qu’une composante. 

Pour ces 2 chantiers, la France a pourtant besoin de peser suffisamment en Europe pour sauvegarder sa souveraineté énergétique en obtenant la subsidiarité nécessaire pour organiser son marché afin de financer de façon optimale la pérennité et le développement de son parc nucléaire et de rapprocher les factures d’électricité des consommateurs des coûts moyens de son parc de production.  De même, la France doit pouvoir reprendre le développement de son parc hydraulique sans être entravée par une concurrence imposée sur les concessions, et définir sa propre trajectoire de décarbonation sans être tenue par des objectifs imposés de développement des ENRi.    

i  On prend conscience à ce jour des difficultés de gestion concrètes d’un parc énergétique largement composé d’ENRi.

  1.  Composition – Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr) ↩︎
  2. Déclaration de l’Alliance européenne du nucléaire. | Élysée (elysee.fr) ↩︎
  3. 202311_Strategie_energie_climat_DP.pdf (ecologie.gouv.fr) ↩︎
  4. Stratégie Française pour l’Energie et le Climat : une fuite en avant malthusienne vers la décroissance et l’écologie punitive – IRDEME ↩︎
  5. Commissaires désignés (2024-2029) – Commission européenne (europa.eu) ↩︎

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