Malgré la réduction du nombre d’étudiants admis annuellement à l’ENA, les énarques continuent de « déborder » dans l’administration.
Créé en 1945 par le général de Gaulle, l’ENA a généré chaque année depuis cette date entre 100 et 160 nouveaux énarques annuels, pour un stock atteignant aujourd’hui 4.300 anciens élèves en activité, avec environ 20% d’entre eux dans le secteur privé.
Jusque dans les années 2000 environ, date à laquelle leur nombre s’est stabilisé voire a diminué, ils ont augmenté presque continûment. C’était avant que l’ENA se rende compte que leur nombre excédait largement les besoins de l’administration et qu’elle décide de réduire drastiquement la taille des promotions. Ainsi qu’en atteste le graphique suivant, le nombre annuel d’élèves admis à l’ENA a diminué de près de la moitié en 10 ans, passant de 140 élèves en 2002 à 80 en 2012.
Si cette diminution est une bonne nouvelle, elle intervient néanmoins trop tard. L’examen des annuaires de l’ENA montre toujours un véritable « débordement » des énarques.
L’exemple de la santé : un secteur révélateur
S’il est un domaine où le nombre d’énarques a particulièrement augmenté ces dernières années, c’est celui de la santé, soit une augmentation d’environ 40% entre 1999 et 2012, que l’on prenne ce secteur santé exclusivement (on passe d’une soixantaine d’énarques à près de quatre-vingt-dix) ou qu’on prenne celui plus large des affaires sociales. C’est entre autres dans ce secteur qu’ont proliféré les postes d’énarques, se répartissant en directions, sous-directions, bureaux, agences, missions, comités en tous genres. Pour chacune de ces entités, un ou plusieurs énarques sont nommés à des postes de direction. Ce qui est frappant c’est, d’une part l’augmentation numérique, mais surtout, le faible intérêt, voire l’inutilité ou la redondance des services ou organismes où travaillent ces énarques. En voici ne serait-ce qu’un tout petit aperçu:
Observatoires :
– Association pour l’étude de l’histoire de la Sécurité sociale
– Comité d’histoire de la Sécurité sociale
– Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière
Coopération internationale :
– Groupement d’intérêt public pour le développement de l’assistance technique et de la coopération Internationale
– Agence pour le développement et la coordination des relations internationales
– Santé protection sociale internationale
– Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale
Veille sanitaire :
– Agence nationale de sécurité sanitaire
– Institut national de veille sanitaire
– Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires
– Mission coordination et gestion risques de maladie
– Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
Instituts et comités :
– Comité économique des produits de santé
– Institut national de la santé et de la recherche médicale
– Institut des hautes études de protection sociale
– École nationale supérieure de Sécurité sociale
– École des hautes études en santé publique
Pour donner une idée plus exhaustive de la jungle des administrations dans la santé et les affaires sociales, nous reproduisons également ci-dessous les organigrammes des cinq directions, du secrétariat général et de l’Inspection des affaires sociales, c’est-à-dire les sept principaux ensembles dépendant du ministère de la Santé et des Affaires Sociales.
Sur ces organigrammes apparaissent seulement les postes hiérarchiques où les énarques ont ou peuvent atterrir[[C’est-à-dire jusqu’au grade le plus faible de chef de bureau.]]. Mais les organigrammes sont tellement foisonnants qu’on n’arrive même pas à les lire.
DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ
DIRECTION GÉNÉRALE DE L’OFFRE DE SOINS
DIRECTION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
DIRECTION GENERALE DE LA COHESION SOCIALE
DIRECTION DE LA RECHERCHE, DES ÉTUDES, DE L’ÉVALUATION ET DES STATISTIQUES
DIRECTION DES SYSTÈMES D’INFORMATION
DIRECTION DES FINANCES, DES ACHATS ET DES SERVICES
DIRECTION DES RESSOURCES HUMAINES
INSPECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES SOCIALES
3 commentaires
Énarques : recherche emplois pour stock excédentaire
Ahurissant, sidérant, effarant, pathétique, effrayant, inimaginable même dans l’univers du plus fou des rois UBU.
Merci de nous ouvrir les yeux sur la réalité que vous décrivez mais peut-on seulement espérer que ceux qui pourraient changer quelque chose à ce bric à brac d’emplois probablement inutiles et certanement ruineux pour les finances publiques, liront votre article et surtout dénonceront cette situation pour faire changer les choses, quitte à perdre leur emploi douillet mais parasite ?
Ex PDG de Royal Canin (devenu leader mondial du Petfood), et de Guyomarc’h ; Encore industriel…
Bonjour,
Article encore excellent de Mr Zimmern.
Pour ce qui est des énarques, je transmettaient hier soir quelques articles à un chercheur en économie actuellement aux USA, et très proche de Mr Tirole, (notre prix Nobel), où je posais la question (Documents dont je vais vous adresser cet après midi une copie)
« Mais comment font tous ces pays étrangers, qui n’ont pas d’ENA, et réussissent 10 fois mieux que nous à gérer leur pays, alors que nous sommes en pleine débandade, et que notre pays a vu par exemple son industrie chuter en 43 ans de 23,4 % de son PIB à 10 % ? »
La seule voie possible est de supprimer l’ENA, totalement étrangère à notre économie.
Comme MA0 TSE TOUNG avait supprimé les Mandarins. Henri LAGARDE
Ex PDG de Guyomarc’h et Royal Canin; Toujours industriel depuis ma « Retraite »…
Excellent texte de Monsieur Mercier.
Mais comment font les autres pays pour si bien réussir alors qu’ils n’ont pas même d’ENA ?