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Droits référendaires : le modèle suisse dont la France pourrait bien s’inspirer !

par François Garçon
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On ne choquera guère en affirmant que la situation économique, sociale, politique de la Suisse est bonne. Chômage inexistant, vingt années de balance commerciale excédentaire, niveau de formation élevé, excellence des établissements supérieurs, absence de grèves, etc. Voilà ce qu’ont compris, semble-t-il, les 170 000 frontaliers français qui y travaillent, tout comme les 130 000 Français qui sont résidants permanents dans l’arc lémanique.

Un miracle, car c’est bien de cela dont il s’agit, bâtit non sur des ressources fossiles mais sur une stabilité politique, sociale et fiscale hors norme. Stabilité dont les ressorts sont non, comme à Singapour, la matraque d’un parti politique hégémonique et brutal, mais les droits référendaires que les citoyens, avec leur stylo et leur bulletin de vote, exercent depuis près de 150 ans.

Diversité des droits référendaires

Pour s’en tenir aux plus décisifs et par ordre d’apparition, ces droits sont le référendum obligatoire. Inscrit dans la Constitution de 1848, il fait obligation au Parlement fédéral de soumettre aux citoyens la ratification les lois fédérales déclarées urgentes, sans base constitutionnelle et dont la durée de validité dépasse une année ou un traité international. Le deuxième volet de ce droit est introduit en 1874 : le référendum facultatif, à l’initiative des citoyens, leur confère le droit de s’opposer à une loi votée dans une assemblée représentative. Dit abrogatif, ce référendum s’exerce au niveau fédéral, cantonal et communal, les quorums de signatures nécessaires pour forcer les autorités à soumettre aux citoyens leur texte étant modulés en fonction de la démographie des électorats concernés. Enfin, troisième volet de ces droits référendaires, en 1891 était introduit dans la Constitution le droit d’initiative populaire qui, comme son nom l’indique, permet aux citoyens, non plus de s’opposer à une loi, mais de proposer une modification constitutionnelle.

Un usage massif et régulier de ces droits

Depuis l’instauration de ces droits, c’est peu dire que les citoyens suisses en ont fait ample usage. Entre 1848 et le 1er janvier 2018, soit sur 170 ans, et sur le seul plan fédéral, les Suisses ont été appelés à se prononcer sur 240 référendums obligatoires, 185 référendums facultatifs, 213 initiatives populaires. A quoi s’ajoutent les centaines de référendums et initiatives de portée cantonale et communale.
Ainsi, tous les 3 mois, les Suisses votent. Lors d’un même scrutin, ils sont généralement appelés à se prononcer, stylo en main, sur un ou deux objets fédéraux, sur plusieurs objets cantonaux et, pour les communes concernées (2222), sur des questions simplement communales. La participation, que l’on parierait basse eu égard au survoltage électoral, reste élevée, voire en hausse dans la dernière décennie : 47% en moyenne, sachant que la participation varie selon les objets soumis au verdict des électeurs.

La décision politique échappe à la nuisance sociale

L’implication des citoyens dans l’organisation sociale et politique, implication qui n’est pas de façade puisqu’ils votent les lois et en proposent, est le carburant de la stabilité helvétique. Ainsi la Suisse ignore-t-elle le détournement d’un bien public au profit de ses agents, comme on le voit en France avec la SNCF, la RATP, EDF, etc. La Suisse est encore épargnée par les ponctions que lui fait subir une caste politico-administrative, aussi irresponsable qu’intouchable dès lors que ses membres ont réussi un concours à 20 ans. Même s’ils ne sont pas directement aux commandes, les élus et les exécutifs sont là pour ça, les citoyens sont dans la cabine de pilotage. L’implication directe et constante des citoyens dans le système politique a par exemple amené les Suisses à rejeter la semaine de 40 heures (la durée moyenne du travail est actuellement de 42 heures), la 4ème semaine de congés payés puis les « 6 semaines de vacances pour tous », l’abaissement de l’âge de la retraite ou encore le Revenu de base universel. Le 26 novembre 2000, et après plusieurs mois de discussions et débats, 66,8% des électeurs suisses ratifiaient une loi supprimant le statut des fonctionnaires, loi qui datait de 1927.

Parfaite compatibilité entre démocratie directe et démocratie représentative

Contrairement à l’idée reçue, les citoyens ne font pas la loi, même si le droit d’initiative populaire le leur permet. La fabrique des lois est en effet entre les mains d’assemblées représentatives, dont le pays est littéralement couvert. A Berne, on compte 246 députés et sénateurs au Parlement fédéral. Rapportée à la France et à démographie égale, la Suisse compterait ainsi 368 sénateurs et 1600 députés au Parlement fédéral. Panoplie parlementaire que renforcent les élus dans les 26 cantons, chacun disposant de sa Constitution écrite, de son drapeau, de son parlement élu et, subsidiarité oblige, de compétences étendues en matière fiscale, économique, scolaire, hospitalière, etc. Le parlement du canton de Zurich compte 180 parlementaires, Genève et Bâle-Ville, 100, etc. Soit un élu pour 5.000 habitants à Genève, un pour 1.000 dans le canton d’Uri. Au niveau cantonal, la démocratie représentative suisse compte ainsi 2.784 députés, et plusieurs milliers d’autres élus dans les assemblées communales.

Il est ainsi démontré que démocratie directe et démocratie représentative, décrétées incompatibles par les nombreux « experts » ignorants tout de la Suisse, sont compatibles. La démocratie directe ni ne fragilise la démocratie représentative, ni ne se substitue à elle. Parce qu’elle dote les citoyens d’armes pacifiques et efficaces pour contrer les abus étatiques, la démocratie directe est avant tout un instrument de co-gouvernance. Qu’elles agissent au niveau communal, cantonal ou fédéral, les assemblées délibératives savent qu’à tout moment les citoyens peuvent monter sur scène et demander à ce que les électeurs de la commune concernée, de la ville ou du pays, se prononcent sur la loi votée, ou sur un sujet de société que les élus ont négligé ou préféré glisser sous le tapis. Il n’existe pas meilleur moyen de changer graduellement la société que d’impliquer, lors de rendez-vous réguliers, tous les citoyens concernés – sous cet angle, le tirage au sort, tant à la mode, est un gadget sans la moindre légitimité démocratique-. Le contre-exemple français, caractérisé par la verticalité d’un pouvoir marqué par son impuissance, devrait nous amener à nous intéresser de près aux recettes éprouvées de nos voisins suisses.
Après tout, qu’avons-nous à perdre ?

François Garçon
Historien, essayiste, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

D’après « La Suisse, prospérité, stabilité et droits référendaires », Commentaire, Eté 2019, pp. 291-299.

 

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2 commentaires

Lucien Fa septembre 29, 2019 - 10:36 pm

Singapour vs. la Suisse
La Suisse où je vis depuis dix ans est une société apaisée où les opinions des uns et des autres sont entendues et respectées. Il s’en suit une acceptation sans faille des résultats des consultations électorales quels qu’ils soient. En Suisse il n’y a pratiquement jamais de manifestations de rue, même pacifiques, ni de grèves.
Comment le peuple français, dont la mentalité révolutionnaire héritée de 1789 perdure, pourrait-il adopter voire même s’inspirer du modèle Suisse?
Je ne partage pas du tout vos propos faux et excessifs sur Singapour. J’ai habité dans ce pays durant deux années, et à mon sens c’est le pays le mieux géré du monde, gouverné par des dirigeants honnêtes, clairvoyants et énergiques dans un système parlementaire de démocratie représentative,contrairement à ce que vous laissez croire. Et les hommes politiques français devraient plutôt s’inspirer de l’exemple de Singapour pour réformer la France qui en a tellement besoin. Parfois une main de fer s’avère nécessaire pour produire des résultats efficaces rapidement. Par exemple la simple possession de drogue est passible de la peine de mort, plutôt dissuasif.
Et faut-il rappeler que ce parti politique « hégémonique » fondé par Lee Kwang Yu, leader charismatique, père de la nation, est responsable du miracle économique qui a transformé en une vingtaine d’années Singapour, d’un pays du tiers-monde – les indicateurs macro économiques de Singapour en 1964 étaient les mêmes que ceux du Sénégal! – en un pays dans le peloton de tête des pays développés.
En dépit de toutes les qualités du « modèle Suisse » que je vois à l’oeuvre tous les jours, je pense que pour sortir la France de l’ornière où elle se trouve enlisée depuis cinquante ans le « modèle de Singapour » est bien plus approprié.

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Gilbert Sussmann octobre 6, 2019 - 4:30 pm

Mode d’organisation de la défense de la NationSuisse
En contribution comparative CH/ France, vous nous intéresseriez en nous décrivant le mode surprenant – pour un jeune français – de fonctionnement de l’armée suisse.

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