Avec l’Enterprise Investment Scheme, les Britanniques ont créé en 1994 un dispositif qui par lui-même a permis de créer les gazelles, ces entreprises à fort développement qui manquent en France.
On sait que les gazelles au Royaume-Uni créent près de la moitié des emplois. Elles ont été définies par l’OCDE comme les entreprises qui, moins de cinq ans après leur création et ayant plus de 10 salariés, voient leur croissance augmenter de plus de 20% sur trois années successives.
Dans une enquête faite par l’IRDEME à partir des statistiques du pH Group comparant les gazelles françaises aux gazelles britanniques dans la période 2005 2008, il apparaissait que le nombre de gazelles créées en Grande-Bretagne était double du nombre français et le nombre d’emplois créés de 200.000 par an contre seulement 50.000 en France.
Ce qui différenciait la France et le Royaume-Uni n’était pas tant le montant des capitaux investis dans ces créations d’entreprises que l’intelligence avec laquelle ces fonds étaient investis.
En examinant simultanément le montant des capitaux mis dans des entreprises devenant gazelles et celles qui ne l’étaient pas, on voyait clairement que les Britanniques avaient misé deux fois plus de capitaux sur les entreprises qui allaient devenir gazelles que les Français qui avaient mis plus d’argent sur les entreprises qui n’avaient pas réussi.
La France a dépensé largement la dizaine de milliards d’investissements en grande partie financés par les avantages fiscaux que sont l’avantage Madelin et l’ISF- PME ou les prédécesseurs de la BPI comme l’ANVAR, sans qu’on sache quel impact ces investissements ont pu avoir sur les créations d’entreprises, notamment les gazelles, et donc sur l’emploi. Aucune statistique, aucun résultat comme l’a constaté l’Inspection des finances.
Les Britanniques par contre savent que depuis 1994 ils ont investi 12,2 milliards dans 22.900 entreprises bénéficiaires de leur EIS.
Nous nous évertuons en France à distribuer des sommes ridicules de quelques milliers d’euros pour inciter les malheureux à se lancer dans des créations d’entreprises lilliputiennes qui sont essentiellement des entreprises de voisinage, c’est-à-dire destinées à remplir des besoins locaux comme nettoyage, réparation, construction.
Ce sont tous les textes qu’ont mis en place les gouvernements de droite depuis 2002 en commençant par l’entreprise à 1 euro de Renaud Dutreil en terminant par l’auto entrepreneur.
On peut se demander s’il ne s’agit pas d’une action de gribouille, car le nombre d’entreprises de voisinage est forcément limité, donc si la création de ces entreprises ne masque par la disparition d’autant d’entreprises équivalentes.
Les Britanniques ont au contraire encouragé l’investissement dans des entreprises nouvelles par des montants importants puisque le plafond par individu est actuellement d’un million de livres dont jusqu’à 30% sont déductibles des impôts chaque année. L’avantage fiscal le plus important est presque certainement l’absence de taxation de la plus-value après une détention de 3 années.
Alors que les Français arrosaient des entreprises PME comptant jusqu’à 250 personnes, jusqu’en 2010, les Britanniques suivaient les prescriptions de l’Union européenne et limitaient le bénéfice de ces investissements à des entreprises de moins de 50 salariés. En 20 ans, seulement 22.000 entreprises ont été financées mais chacune en moyenne pour environ 500.000 livres.
Ce qui a permis de tels résultats est l’instauration de certaines règles de bon sens.
La première est de restreindre le bénéfice des avantages fiscaux à des entreprises risquées et créatrices emplois, et la liste des entreprises bénéficiaires fait plus d’une page alors que nous avions fait découvrir en 2011 au ministre du Budget l’inexistence de telles règles en France.
La seconde est la création d’un service de contrôle spécialisé qui vérifie a posteriori, mais rapidement, dans les premières années, que l’entreprise bénéficiaire des fonds y a droit, et suit dans le temps son exécution.
La troisième est la création de fonds EIS qui sont des organismes analogues aux réseaux de business Angels français, mais qui ont pris au Royaume-Uni une importance beaucoup plus considérable puisqu’un seul fonds, Octopus, a réuni et investi à lui seul 800 millions de livres (alors que les réseaux de business Angels français, malgré leur apostolat, se traînent au total à bien moins de 100 millions d’euros par an). Le principal est que ces fonds orientent les petits investisseurs vers des entreprises bénéficiaires potentiellement de l’EIS. Mais ils ne restent pas en charge des titres acquis et les transfèrent aux petits investisseurs eux-mêmes.
Il est intéressant de noter par exemple qu’en 2011-2012, sur 933 millions de livres investis dans moins de 2.000 entreprises, 602 millions provenaient d’individus ayant mis individuellement plus de 100.000 livres et que ces individus représentaient seulement 3.200 investisseurs sur environ 20.000 investisseurs.
On peut donc penser que les deux tiers du quasi milliard de livres investi l’ont été par des individus ayant une connaissance du domaine où ils investissaient et que les business Angels investissant donc plus de 100.000 livres par an représentent plus de 3.000 personnes.
En dehors du montant de l’investissement qui est impressionnant, ce qui est remarquable c’est d’avoir choisi pour faire cet investissement non pas des fonctionnaires syndicalisés comme ceux de la BPI, mais des entrepreneurs ayant déjà l’expérience de l’entreprise.
C’est une des caractéristiques que nous avons déjà notée et qui est démontrée par de nombreuses études antérieures : au moins 80% des business Angel sont des entrepreneurs qui ont l’expérience des domaines où ils investissent, ce qui explique leur taux de succès infiniment plus élevé que le taux de succès français.