Un des thèmes favoris des organismes d’État qui vivent d’argent public, comme Oséo ou CDC Entreprises, maintenant la BPI, est que nous produisons assez d’entreprises mais qu’elles ne grossissent pas suffisamment. D’où pour ces organismes une raison d’exister : fournir les capitaux qui manqueraient à ces petites entreprises pour grossir.
Cette politique opère depuis plus de 20 ans puisque la BDPME ou l’ANVAR qui précédaient Oséo existaient depuis les années 1990 et, si leur action avait réussi, cela se verrait. À chaque fois qu’un audit externe peut être réalisé comme nous l’avons fait par exemple pour les incitations ANVAR et qu’il ne s’agit pas d’une étude d’autosatisfaction à usage des parlementaires qui votent leurs budgets, il se vérifie ce que le bon sens suffit à prévoir : le mal n’est pas dans le manque de fonds.
Dès que l’on atteint les niveaux de financement qu’assure l’ex-BDPME, on tombe sur des financements que couvre le capital-investissement et il y a suffisamment de fonds disponibles. Les sommes collectées par le capital-investissement français sont du même ordre de grandeur que ceux des Britanniques et de toutes manières, ces fonds traversent les frontières, les fonds américains du « venture-capital » étant largement présents en France ; s’il y avait des opportunités béantes, ils s’y jetteraient.
La véritable cause de la faible croissance de nos entreprises est qu’elles sont rachitiques depuis la naissance comme le montre le graphique ci-dessous où il est clair que nous manquons d’entreprises dans toutes les tailles de façon uniforme.
Elles sont rachitiques car elles naissent rachitiques, faute d’argent pour grossir rapidement.
Quel contraste avec les USA où, comme le remarque une étude de la Kauffman Foundation du 10 mai 2013 (The Constant: Companies That Matter), se créent chaque année, à partir des 550.000 entreprises nouvelles, 125 à 250 entreprises qui atteignent rapidement 100 millions de $ de chiffre d’affaires. Dont une vingtaine qui sont des entreprises technologiques.
Que le trou se fasse au départ et pas dans la croissance est d’ailleurs visible dans ces chiffres.
Quand on parle de 550.000 entreprises créées aux USA, il s’agit d’entreprises naissant avec salariés.
Pour la France, le même chiffre était de 40.000 avant la crise et il est tombé depuis à 33.000.
Nous ne sommes visiblement pas dans le rapport des populations, pas plus que nous n’étions dans les rapports d’emplois à la création lorsque nous écrivions il y a quelques jours que nous créons seulement 40.000 emplois dans les entreprises de 1 à 5 salariés contre 820.000 aux USA.
Le compte n’y est pas.
Avec 5 000 ETI, la France en compte deux fois moins que l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais, le décalage ne s’observe pas seulement sur cette classe de taille. La France est encore davantage distancée dans le domaine des très grandes entreprises (> 5 000 salariés), par l’Allemagne certes, mais aussi par le Royaume-Uni[[L’écart est tellement énorme que l’IRDEME a été examiner les entreprises de plus de 5.000 salariés une par une]] dont la population et le PIB sont similaires à ceux de la France.
Cette différence structurelle a une incidence directe sur l’emploi dans les différents pays. D’après une première estimation, le handicap dans les grandes entreprises serait de 4 millions d’emplois marchands par rapport au Royaume-Uni.