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Congé pour deuil :

par Bertrand Nouel
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Le vote sur l’augmentation de 5 à 12 jours du congé pour deuil d’un enfant fait l’objet d’un triste couac de la part du gouvernement et de la majorité. Bien sûr, l’importance de l’aspect purement comptable de la réforme ne résiste politiquement pas à la valeur de son caractère humanitaire : le coût n’en serait selon les projections statistiques que de deux millions d’euros par an au total, à se limiter aux journées de travail perdues et payées par les employeurs. Ce qui ne compte pas. Et ce qu’ont bien compris le Medef ainsi que Laurence Parisot, son ancienne présidente, soucieux tous deux de ne pas fournir une nouvelle occasion parfaitement inutile de se rendre impopulaire.

Ce qu’en revanche n’ont pas compris à temps Muriel Pénicaud et les députés de la majorité. Lesquels ont quand même raison d’un point de vue économique. Il s’agit en effet de solidarité, et la question est de savoir si celle-ci doit être à la charge des entreprises. Ce congé-deuil existe depuis longtemps dans le code du travail, et traditionnellement le congé pour deuil d’un descendant était de deux jours, augmenté à cinq jours en 2016, et devant passer à 12 jours quatre années plus tard. Comme on ne saurait justifier que le prix de la douleur devrait être multiplié par six en quatre ans, la réforme ne peut qu’être mise sur le compte des prestations sociales de l’Etat Providence, lesquelles n’ont pas précisément le vent en poupe et sont de plus systématiquement à la charge des seules entreprises. Et pour ces entreprises, l’accumulation des petits prélèvements finissent en grandes rivières… Sans compter qu’il va devenir intenable de n’accorder que trois jours de congé pour la perte d’un compagnon ou d’une compagne, d’un époux ou d’une épouse.

Mais là n’est pas le sujet le plus intéressant. Car bien sûr les grandes et très grandes entreprises, que les commentateurs politiquement corrects ont dans le collimateur dans leur superbe indignation collective, peuvent accorder ces jours de congé supplémentaires, et le font probablement déjà, soit par convention collective, soit toutes les fois que cela est humainement désirable. Mais ce n’est pas la même chose pour les PME et surtout les TPE : lorsque le « patron » n’est secondé que par un ou deux salariés, ce qui est le lot de plus de 90% des entreprises françaises, avoir à accorder de façon impromptue 12 jours ouvrables, soit deux semaines complètes, de congé, peut être catastrophique pour l’entreprise – et pas pour des raisons comptables, mais parce que le travail n’est pas fait.

Encore une fois, vouloir loger tout le monde à la même enseigne se révèle inapproprié. Il existe déjà dans beaucoup de domaines un désavantage systématique des TPE/PME par rapport aux grandes entreprises, et en tenir compte ou y remédier devrait plutôt être un sujet de réflexion pour le pouvoir. Les petites entreprises ont certes de petits avantages fiscaux et moins d’obligations sociales, mais les grandes ont beaucoup plus de ressources provenant de la mutualisation à laquelle elles peuvent se livrer.

Il en résulte que ces dernières rémunèrent bien mieux leurs salariés (il n’y a quasiment pas chez elles de salariés payés au smic), et que les avantages sociaux fournis notamment par le comité d’entreprise y sont beaucoup plus importants (surtout s’il s’agit d’entreprises publiques, cf. EDF). Ce qui draine de façon préférentielle l’emploi des salariés les plus performants vers les grandes entreprises. Mais surtout, les grandes entreprises usent et abusent de leur pouvoir de client quelquefois unique, souvent essentiel, dont les commandes sont indispensables. On le sait depuis longtemps à propos des délais de paiement, et un certain progrès a été réalisé à la suite d’une législation contraignante. Mais de façon générale c’est un phénomène spécifiquement français. Voilà un sujet d’action essentiel pour le gouvernement. Et une raison, dans le cas présent des congés pour deuil, de prévoir une législation différente selon la taille des entreprises.

 

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