Le compte PME Innovation – quel beau nom ! – que vient de voter le Parlement est un échec prévisible de plus signé par Bercy et la DLF, Direction de la législation fiscale. Pourquoi ?
Pour une raison encore rarement évoquée : le projet de loi de finances 2017 prétend encourager des investisseurs à financer des start-up, en leur permettant de sortir de leurs investissements sans payer de taxation sur les plus-values, sous condition de réinvestir. Mais personne apparemment ne sait que ces investisseurs, appelés Business Angels (BA) dans les pays anglo-saxons, ne sont pas des gros investisseurs du capital-risque mais des chefs d’entreprise aux capitaux modestes qui ne s’engageront jamais dans les dispositifs complexes ou inapplicables de la DLF.
Comme d’avoir fixé de détenir au moins 25% du capital – alors que les dispositifs incitatifs britanniques imposent au contraire de détenir moins de 30% pour que le BA ne se substitue pas au créateur – et d’avoir adopté comme compromis d’appartenir à un pacte d’actionnaires ayant au moins 25%. Solution merveilleuse pour l’attractivité du dispositif…
Une fois de plus, Bercy a joué des mots pour faire croire qu’il encourageait le développement des BA alors qu’il interdit de fait l’apparition en France des vrais BA qui ont fait la force des économies américaine et britannique.
Les BA anglo-saxons sont presque tous des chefs d’entreprise en exercice, qui investissent dans les créations et le développement d’autres start-up des sommes de l’ordre de 200.000 euros par BA et par projet. Par exemple au Royaume-Uni, les investissements au-delà de 100.000 euros constituent les trois quarts de l’investissement total des BA. Ces entrepreneurs sont le plus souvent eux-mêmes des créateurs et se servent de leur expérience pour dénicher les futures pépites.
Il existe trois types de confusions en ce qui concerne les BA, qui expliquent les errements français en la matière.
Une première confusion est de les confondre avec les fonds de capital-risque, qui sont des institutions investissant des montants unitaires dix fois plus importants, ou avec quelques individus riches comme Xavier Niel ou Marc Simoncini, qui sont chacun l’équivalent d’un fonds de capital-risque en investissant dans des dizaines de start-up, alors qu’un BA typique investit en moyenne dans deux ou trois. Ces fonds prennent le relais de l’expansion lorsque les BA ont fait la preuve du succès.
La seconde confusion, encouragée par Bercy qui les a financés, provient de l’existence de réseaux de BA, qui se mettent à dix pour investir ce qu’un BA investit seul et qui, comme leurs homologues anglo-saxons, ne représentent presque rien, 60 millions d’euros d’investissements annuels, une poussière comparée aux Business Angels indépendants investissant plus de 20 milliards de dollars aux USA et de 2 à 5 milliards de livres au Royaume-Uni.
La troisième confusion est de nous faire croire que l’État, à travers ses institutions comme la BPI, est capable de remplacer ces BA manquants.
Un capital-risqueur, Jean-David Chamboredon, pouvait récemment regretter que la France ne produise pas assez de jeunes pousses où les capitaux-risqueurs trouvent intérêt à investir et donc pas assez de grandes entreprises en devenir. Ceci est parfaitement exact : avant les fonds de capital-risque qui débutent avec des financements de plusieurs millions par projet – car sinon ils ne sont pas rentables -, il faut un financement intermédiaire de quelques centaines de milliers d’euros, l’étape de BA. Faute de capitaux conséquents apportés par ces BA, la France ne plante plus que des buissons, pas de grands arbres et toute la chaîne des entreprises est atteinte de nanisme avec proportionnellement deux à trois fois moins d’entreprises de plus de 5.000 personnes que les Britanniques ou les Allemands, ce nanisme descendant jusqu’aux entreprises de 50 salariés.
Les BA ne sont pas vraiment présents en France car Bercy et la DLF, dont le compte PME Innovation est le dernier exemple, ont tout fait pour éviter leur développement.
Faut-il rappeler la SUIRE lancée en 2004 par le directeur adjoint de la DLF pour torpiller un texte d’ISF-PME voté par la commission des finances du Sénat, SUIRE qui n’a pas vu une dizaine de réalisations ? Ou l’ISF-PME de 2007 torpillé par un plafond absurde ? Etc.
Faut-il rappeler que l’investissement d’État, supposé remplacer la carence du privé, représente des centaines de millions à travers la BPI, elle-même l’enfant des échecs répétés de l’ANVAR.
Le drame français est que cet investissement d’État est terriblement inefficace et ne peut que l’être ; car comment croire que 2.000 para-fonctionnaires syndicalisés investissant l’argent des autres (celui du contribuable) puissent avoir l’efficacité des milliers d’entrepreneurs expérimentés investissant leur propre argent ? Les chiffres du chômage en sont la confirmation malheureuse.
Le second drame est que la communauté française continue d’accepter ce qu’il faut bien appeler la dictature d’une très petite oligarchie de la Direction de la législation fiscale.
On ne peut qu’être frappé de la répétition des échecs car il est clair que ces échecs ne sont pas l’effet de la malchance. Pas avec les capacités cérébrales où se côtoient tous les grands corps sortis de l’ENA.
Certains pourraient être tentés d’accuser le personnel de Bercy de torpiller toute réforme capable de créer des entreprises et des emplois de façon à assurer sa pérennité comme dispensateurs des aides anti-chômage.
Mais une réalité beaucoup plus simple est vraisemblablement la cause de ces échecs répétés : aucun des hauts fonctionnaires de notre direction des impôts n’a jamais vécu dans une entreprise et près de la moitié sortent directement de l’ENA. Ils n’ont donc aucun vécu de ce qu’est un entrepreneur.
Si un gouvernement issu des élections de 2017 veut avoir une chance quelconque de relancer la machine à créer des emplois en France, il est clair que la condition première est de faire rentrer à la DLF des entrepreneurs, des personnes ayant créé leur entreprise et ayant réussi, comme en leur temps Antoine Pinay ou René Monory nommés à la tête de Bercy.
Et il n’est pas sûr que ces entrepreneurs soient reçus comme des intrus car il existe certainement au sein de la DLF des hommes et des femmes qui voudraient que leur pays réussisse et seraient heureux d’avoir avec eux des personnes ayant vécu l’entreprise de l’intérieur. Jusqu’à présent en effet – et l’exemple de la dernière réforme est là pour le prouver – les réformes fiscales de la DLF s’appuient sur des méconnaissances.
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Compte PME Innovation : taxation !
J’ai revendu ma première entreprise en 1998 : taux à 16,6% sur les plus-values.
L’année suivante ce taux est passé à 26,6 %, avec effet rétroactif (si si, « la CSG n’est pas un impôt et n’est donc pas soumise aux mêmes règles », réponse officielle)
Aujourd’hui, c’est l’impôt sur le revenu ! donc jusqu’à 75 % !
La prochaine étape c’est quoi ?
Nationalisation de toutes les PME, fonctionnariat pour tous le salariés, revenu identique pour tous, etc..