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À quand un plan pour redresser l’ économie française ?

par Claude Sicard
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L’ économie française est en difficulté depuis une quarantaine d’années, c’est à dire depuis la fin des « Trente Glorieuses », et tous les clignotants sont au rouge : un taux de chômage en permanence beaucoup trop élevé, des dépenses publiques bien plus importantes que partout ailleurs en proportion du PIB, des prélèvements obligatoires se situant à des niveaux record, une balance du commerce extérieur  chaque année déficitaire, et pour couronner le tout une dette publique qui ne cesse de croître et qui a fini par dépasser le niveau du PIB. Les gouvernements successifs se sont tous trouvés obligés, quelle que soit leur couleur, de recourir chaque année à de l’endettement pour boucler leur budget, et notre dette publique a ainsi crû régulièrement, comme le montre le tableau ci-dessous :

Dette publique du pays
(En % du PIB)
1974…………..20%
2000……… …60%
 2016…………..96%
2022……… 111,6%

Emmanuel Macron, à lui seul, a accru notre dette d’ un peu plus de 800 milliards d’euros ! Il est impossible de laisser la situation se dégrader ainsi, indéfiniment, d’année en année,  et il est donc temps d’agir!

Une économie qui réalise de très mauvaises performances.

Ce qui se passe, c’est que notre économie est peu performante, et c’est ce qu’ont montré récemment les statisticiens des Nations Unies dans une étude où ils ont examiné comment  les PIB par habitant des pays ont évolué sur une longue période. C’est en effet sur une longue période qu’il faut appréhender les évolutions des pays  afin de s’extraire des problèmes conjoncturels.

Et l’on voit alors, qu’en Europe, c’est notre pays  qui, dans la période 1980-2021 a réalisé les moins bonnes performances.  Nous indiquons, ci-dessous, les résultats de cette étude pour un certain nombre de pays européens, en réactualisant les données, (l’étude de l’ONU s’arrête  à l’année 2017),  et  en mettant en exergue  le cas d’Israël qui est particulièrement exemplaire :

PIB/tête  (US dollars  courants )

1980200020172021Multiplicateur
  Israël6.39321.99042.45252.1708,0
Espagne6.14114.55628 .35630.1034,9
Suisse18.87937.93780 .10191.9914,9
Danemark13.88130.73457 .53368.0074,9
Allemagne12.09123.92944.97651.2034,2
Pays-Bas13.79420.14848.75457.7674,2
France12.66922.16138.41543.6593,4
(Source : ONU, Statistics Division)

On voit que tout au  cours de cette période les performances économiques  de notre pays ont été très  inférieures à celles des autres pays européens : il eut fallu, pour le moins, que l’on en soit au multiplicateur 4,0, sinon 4,5, ce qui aurait permis à notre PIB de se trouver majoré de 20%  à 25 % et l’on en serait à des taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires se situant dans les normes de l’OCDE.

Le comportement des pouvoirs publics

Très curieusement  les pouvoirs publics tout au long de cette période n’ont guère réagi : ils ont fait de la dette un instrument de gouvernement, laissant la situation économique du pays s’aggraver régulièrement. Anne de Guigné, dans le Figaro Économie du 29 Mars, nous rappelle les accroissements de dette imputables à nos différents Présidents :

Accroissement de la dette
  (En milliards d’euros)
Jacques Chirac….. . ……323
Nicolas Sarkozy…………635
François Hollande….… 397
Emmanuel  Macron ..…836

Tout s’est passé comme si ces performances désastreuses réalisées par notre économie étaient ignorées de nos dirigeants : ne furent ils pas avertis  de la situation par les experts qui les entouraient ?  On ne peut pas imaginer, en effet, que s’ils avaient eu conscience du problème aucun d’eux n’ait cherché à prendre des mesures pour y remédier : non, rien ne fut fait et le pays a continué à avoir une économie poussive et déclinante. Dans un autre article nous avons proposé qu’une  Commission parlementaire  soit créée pour comprendre pourquoi nos dirigeants successifs ont ainsi laissé se dégrader  notre économie sans agir? Il serait intéressant de situer les responsabilités, comme cela vient d’être fait pour notre secteur nucléaire  avec la « Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » qui a été créée, en 2022, par l’Assemblée Nationale.

Finalement, ce fut seulement la crise de la Covid-19,  qui a éclatée en janvier 2020, qui a ouvert les yeux à nos gouvernants : elle leur fit découvrir que notre pays était  très désindustrialisé. On manqua de tout : pas de masques, pas d’appareils respiratoires pour équiper nos salles de réanimation dans les hôpitaux, des médicaments devenus rares car fabriqués  à l’étranger, et une industrie pharmaceutique nationale  incapable de mettre au point, comme cela fut fait dans les autres grands pays industrialisés, un vaccin pour protéger la population. Le gouvernement a pris alors la pleine mesure du problème  et un plan a été lancé pour reindustrialiser la France, le Plan « France 2030 ».

Certes, il y avait eu, précédemment, le Plan « France Relance »,mais il s’est agi, là, d’un plan pour « Réduire l’impact récessif de la crise sanitaire ».L’Europe a lancé, pour la première fois, un vaste emprunt dont ont pu bénéficier tous les pays membres ,et dans le cas de la France ce plan s’est articulé en trois parties :

Le Plan « France Relance » 
-La transition « écologiste »……………………30 milliards d’euros
-La compétitivité des entreprises…………….   34 milliards d’euros
-La cohésion…….……………………….…..   36 milliards d’euros

Il s’est donc agi d’un plan de soutien de l’économie, mais aucunement d’un plan  de réindustrialisation du pays.

Le Plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron

Le plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron, un plan de cinq ans, a été lancé en octobre 2021, et il a été placé sous l’autorité de Bruno Bonnel, Secrétaire général pour l’ Investissement (SGPI), et non pas sous celle de notre Haut Commissaire au Plan. Ce plan a été doté d’un budget d’aide et de soutien aux entreprises de 30 milliards d’euros auxquels sont venus se rajouter les 24 milliards restant du plan précédent, en sorte qu’il s’agit d’un total de 54 milliards d’euros.

Son objectif officiel est le suivant :

Objectif : « Faire émerger les futurs champions dans nos filières d’excellence » 

Champ d’application :

  • Petits réacteurs nucléaires (SMR)
  • Devenir leader de l’Hydrogène vert
  • Deux millions de voitures électriques en 2030
  • Baisser de 35 % es émissions de gaz à effet de serre ’ici à 2030
  • Produire le 1er avion bas-carbone
  • Produire en France 20 bio-médicaments
  • Prendre notre part dans l’aventure spatiale
  • Investir dans les grands fonds marins.

Comme on le voit, ce plan a un champ d’application restreint, l’objectif étant de « Faire émerger de futurs champions », et il couvre une période de seulement cinq ans. Il faut pour redresser notre économie un plan beaucoup plus large, s’appliquant à toutes sortes de projets industriels, sans les choisir à priori par une quelconque planification, couvrant une période plus longue, et doté de moyens financiers bien plus importants.

Un Plan de 10 ans pour redresser l’économie française.

Nous  avons procédé à des simulations pour voir selon quel processus la réindustrialisassions de notre pays pourrait s’opérer en dix ans : il va nous falloir remonter à 18 % la participation de notre secteur industriel à la formation du PIB, alors qu’elle n’est plus que de 10 % aujourd’hui, et nous aboutissons aux résultats suivants :

Plan de redressement de l’économie en 10 ans

  • Objectif : Contribution de l’industrie à la formation du PIB ……18  %
  • Création d’emplois industriels …………………800.000 à 1.000.000
  • Investissements à réaliser………………….……..350 milliards euros
  • Recours aux investissements étrangers (IDE) :….  150 milliards euros
  • Budget : 150 milliards d‘euros dont le paiement s’étalerait sur 20 ans.

Rythme annuel :

  • Emplois….. 80.000 à 100.000 /an ;
  • Investissements :
    • Entreprises françaises…. 20 milliards
    • Entreprises étrangères….15 milliards

Total      35 milliards

Selon ce plan, les effectifs du secteur industriel atteindraient le chiffre de 3,5 à 3,7 millions de personnes en fin de période, chiffre à comparer aux  7,5 millions de salariés existant aujourd’hui en Allemagne, dans ce secteur.

Pour être en mesure de suivre un tel rythme il faudra des soutiens très importants de la part de la puissance publique. C’est d’ailleurs ainsi que vient de procéder le Président Joe Biden aux États-Unis avec l’IRA1, plus des mesures d’équité, au minimum « miroir » et ces aides seront d’autant plus nécessaires que l’environnement, tant national qu’international, n’est guère favorable. Sur le plan interne il y a les freins à la réindustrialisation mis par les écologistes, et le gouvernement se plie aisément à leurs exigences, un droit du travail très lourd qui est pénalisant pour les chefs d’entreprise, une fiscalité qui tarde à être mise en harmonie avec celle de nos voisins, des réglementations européennes qui bloquent les initiatives que pourrait prendre l’État français pour réindustrialiser le pays,  et un coût du travail qui est pratiquement le plus élevé d’Europe, (quatre fois plus élevé qu’en Pologne ou en Hongrie). Sur le plan international, la guerre en Ukraine a fait fortement grimper le coût de l’énergie en Europe,  et les mesures incitatives prises par le Président  Joe  Biden séduisent beaucoup de chefs d’entreprises industrielles.

Le plan décennal que nous proposons serait doté d’un budget d’aide à l’investissement fondé  sur la création d’emplois industriels, quel que soit le secteur, articulé de la façon suivante : 20.000 euros par emploi, les cinq premières années, puis 10.000 euros les cinq années suivantes, soit 150.000 euros par emploi créé. Ce montant est, certes, très important, mais l’intensité capitalistique de la création d’emploi est devenue extrêmement élevée, aujourd’hui, dans les industries modernes du fait de la numérisation. Ainsi, les aides de l’État se monteraient dans ce plan à 150 milliards environ, étalés sur 20  ans : il s’agirait d’un coût pour la nation relativement modeste (en moyenne 7,0 à 7,5 milliards par an) au regard des enjeux, puisqu’il ne s’agirait pas moins que de remettre sur pied toute notre économie

A quel rythme s’effectue à présent notre réindustrialisation ?

Ce n’est que par le hasard de la crise du Covid-19 qu’Emmanuel Macron a réalisé combien notre pays était désindustrialisé : mais, à présent, on est bien entré dans l’ère de la réindustrialisation, et en lançant son plan «  France 2030 » notre Président a débuté sa conférence en disant « La bataille de la réindustrialisation est clé sur le plan politique et géopolitique » .Et son dernier « Choose France » a été un réel succès puisque il y a été annoncé 15 milliards de nouveaux investissements étrangers.

Mais le rythme de notre réindustrialisation est bien trop lent. La journaliste Bertille Bayart nous dit, dans le Figaro du 10 Mai dernier, que depuis six ans 90.000 emplois industriels ont été créés : c’est extrêmement peu. On est très loin du rythme des 80 à 100.000 emplois industriels par an qui seraient nécessaires. L’ancien délégué interministériel aux Territoires d’industrie, Olivier Lluansi,  qui a été chargé par Bercy d’un rapport sur notre  réindustrialisation à l’horizon 2035, conclut que l’objectif 15 % d’industrie en proportion du PIB visé par Bruno Le Maire à  l’horizon 2035 est irréalisable : on en sera, au mieux, dit-il, à 12% ou 13 %, seulement. Un des obstacles est la pénurie de main d’œuvre : il y a actuellement 60.000 postes non pourvus dans l’industrie ! Et selon l’INSEE la production industrielle aurait reculé de 0,2 %par an depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron !

Un article dans le Monde du 14 mai 2024 nous dit : « Les ors de Versailles permettent d’attirer les regards, mais ils ne doivent pas faire illusion. Le chemin de la reconquête reste long : les besoins en énergie décarbonée, en main d’œuvre qualifiée, et en capitaux disponibles, sont loin d’être satisfaits ! ».

  1. Cette mesure de soutien a failli s’appeler (BuildBack Better Act – BBBA) ↩︎

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5 commentaires

Robin des Champs mai 31, 2024 - 6:02 pm

Rien que le mot « plan » est inquiétant ! La planification surtout économique mène au protectionnisme socialiste , la dictature étatique et dans le pire des cas aux conflits inter état ou inter plans si vous préférez. Ce n’ est jamais une bonne solution…

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Deres mai 31, 2024 - 6:30 pm

Le plan France 2030 choisit des filières très précises dont certaines si ce n’est la plupart pourraient se reveler de mauvais choix. les SMR sont probablement un marche de niche difficile a rentabiliser. L’hydrogène est probablement un futur scandale. Le marche des voitures électriques est déjà en saturation. Etc. ce dirigisme dans l’innovation est dangereux. Il vaudrait mieux laisser les acteurs choisir les projets rentables au lieu de faire du dirigisme propice aux modes et aux influences politiques.

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Deres mai 31, 2024 - 6:37 pm

On ne re-industrialisera pas le pays en versant de l’argent mais en arrêtant de le prélever, que ce soit par des impôts, taxes, cotisation et surtout contraintes. En réalité, tout est fait en France pour baisser la productivité aka la production de richesse par unite de travail. C’est pourtant la base de la richesse des nations et c’est un fait pourtant basique en économie. Organiser plus de transferts d’argent ne va pas créer de richesse car il y a nécessairement des pertes et un problème de mauvaise allocation des ressources car non géré de maniere capitaliste ie au plus bas niveau des decisions multiples des agents economiques mais avec des choix politiques influencables.

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zelectron juin 1, 2024 - 7:10 am

plus il y a de dette et moins on a besoins de ponctionnaires, moins il y a de PIB idem, moins il y a d’activité économique . . . .

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moulin juin 3, 2024 - 2:55 pm

Ce plan de subventions est clair, mais son impact réel sur la création d’emploi et de procution inductrielle n’est pas documenté par des expériences ailleurs ou à d’autres époques.Si on suppose que le capital est disponible, le problème est la qualité de la main d’oeuvre disponible. Payer les entreprises durablement, c’est ne pas croire que le personnel pourra être formé en quelques trimestres (ce que disent les interviewés de la BPI).
D’autre part, ces énormes primes sont une incitation à fermer ses établissements et à en ouvrir de nouveaux, ou feront hurler les entreprises existantes concurrencées par les nouveaux entrants.
Tout le billet sur le constat est intéressant, la « solution » pas du tout convaincante.

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