Dans « Révolution » Emmanuel Macron affirmait la nécessité de baisser nos dépenses publiques à 49% du PIB, moyenne de la zone euro, et ajoutait : « nous pouvons le faire ». Mais a-t-il mis en œuvre ce qu’il fallait pour le faire ?
Pour que nos entreprises deviennent vraiment compétitives vis-à-vis de leurs principales concurrentes, les entreprises allemandes, il faudrait même les baisser au niveau allemand, à 44% du PIB. Or il est seulement prévu de les baisser en 2020 à 52% (contre 56% à l’heure actuelle).
En dehors du domaine législatif, l’action du gouvernement s’est exercée dans la préparation des budgets pour 2018. En 2018 les dépenses du budget de l’État sont prévues à 386 milliards d’euros, soit 5 milliards de plus qu’en 2017. L’objectif de baisse des dépenses publiques s’éloigne donc, d’autant plus que, dans chacun de leurs discours, le président de la République et son Premier ministre annoncent à leurs auditeurs qu’ils ont « débloqué » des millions ou souvent des milliards supplémentaires.
Le gouvernement ne s’est pas attaqué aux deux principales causes de différence de dépenses publiques avec l’Allemagne : notre nombre de fonctionnaires et nos dépenses sociales, en particulier pour les retraites.
Pas de baisse du nombre de fonctionnaires
Nous avons trois millions de fonctionnaires de plus, à population comparable, que les Allemands, les Italiens, les Néerlandais. Emmanuel Macron avait annoncé une baisse de 120.000 fonctionnaires (d’État, des collectivités et des hôpitaux) pendant le quinquennat. Cette baisse était très insuffisante pour s’aligner sur nos concurrents européens. Si l’on gelait les embauches, comme l’ont fait les Anglais, les Italiens et même les Algériens, on pourrait baisser les effectifs de 440.000 par an. Mais il n’en est pas question. Les effectifs des fonctionnaires de l’État sont prévus en baisse de 1.600 en 2018 !
Une réforme des retraites repoussée dans le temps
Pour les retraites, Emmanuel Macron avait annoncé dans son programme que pendant tout le quinquennat il ne changerait rien aux âges de départ en retraite ni aux montants des pensions. Mais il promettait une vaste réforme à terme : « pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ». Comme les fonctionnaires et les bénéficiaires des autres « régimes spéciaux » partent en retraite au moins trois ans avant les salariés du secteur privé et que leurs pensions de retraites et de réversions (veuves) sont au moins 30% supérieures à égalité de salaires, la réforme annoncée était une véritable révolution. C’est pourquoi le gouvernement ne se presse pas. Il a annoncé qu’on commencera à en parler en 2019, et qu’il faudra une dizaine d’années pour la mettre en place. Notre excédent de dépenses publiques de retraite par rapport à l’Allemagne (3% du PIB) ne pourra qu’augmenter pendant le quinquennat.
La privatisation des hôpitaux reste un sujet tabou
Pour l’assurance-maladie, nos dépenses hospitalières sont nettement supérieures à celles de l’Allemagne. La productivité de nos hôpitaux publics est très inférieure à celle des hôpitaux allemands comme à celle de nos hôpitaux privés, notamment à cause de leurs frais administratifs. Les Allemands ont amélioré la gestion de leurs hôpitaux publics en privatisant les plus mal gérés. La privatisation des hôpitaux publics est un sujet tabou dans notre pays. Les Allemands ont en outre, comme les Suisses, les Néerlandais et les Suédois, amélioré le fonctionnement de leur assurance-maladie en supprimant le monopole public et en faisant appel à la concurrence d’assureurs privés ou publics. Là encore un sujet tabou. Le libéralisme d’Emmanuel Macron ne va pas jusque-là.
Malgré des efforts, les HLM continueront d’être mal gérés
Son gouvernement s’est cependant attaqué avec courage à un poste de dépenses publiques où la France dépense beaucoup plus, pour des résultats médiocres, que nos concurrents : le logement. Il a compris que les bénéfices annuels sans impôts des organismes HLM (3,3 milliards en 2014) et leur trésorerie disponible (11 milliards en 2014) pourraient permettre des réductions de loyers qui elles-mêmes permettraient des réductions d’allocations-logement aux locataires de ces HLM. Il a également compris que, comme au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas, une partie des logements sociaux pouvaient être vendus. La valeur totale des HLM françaises est supérieure à 400 milliards d’euros. Si la moitié était vendue, comme cela a été fait au Royaume-Uni et en Allemagne, des économies importantes de dépenses publiques seraient réalisables.
Mais le gouvernement, dont l’objectif est de vendre chaque année 40.000 logements HLM, a choisi le moyen qui a le moins de chances d’atteindre cet objectif : « création d’une structure HLM dédiée, chargée de racheter en bloc des immeubles de logements sociaux aux organismes HLM ». Les organismes HLM et leurs 83.000 salariés n’ont aucune envie de vendre une partie de leur fonds de commerce. Ils utiliseront les nombreuses conditions imposées aux ventes de HLM pour freiner ces ventes. Il faudrait au préalable supprimer la plupart de ces conditions et notamment instituer le « droit d’acheter » à des conditions privilégiées pour les occupants.
En outre le gouvernement a encore accru le nombre de milliards affectés à la « politique de la ville », c’est-à-dire la démolition de HLM et leur remplacement par de nouveaux HLM plus confortables. Ces logements sont en fait attribués principalement à des immigrés récents, venus de villages africains sans électricité, eau courante et assainissement, et renforcent la pompe aspirante de nos allocations.
Toutefois, « en même temps », le gouvernement a laissé le premier loueur social français, la SNI, filiale de la Caisse des dépôts, passer un accord avec le premier loueur social allemand, Vonovia, société privée cotée en Bourse. Le président de SNI a déclaré à cette occasion : « nous sommes intéressés par ce modèle d’entreprise privée, concurrentielle et compétitive, qui parvient à lever des fonds privés pour construire du logement social ». Un petit bout de libéralisme dans un océan d’interventionnisme.
Investissements publics : un scepticisme courageux
En matière d’investissements publics, le gouvernement a fait preuve d’un certain scepticisme sur l’utilité de plusieurs grands projets : le canal Seine-Nord, l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, les lignes TGV Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, etc. Ce scepticisme est courageux, car l’opinion dominante chez les élus est que tout investissement public est bon pour le public (et surtout pour leur réélection). Le scepticisme du gouvernement est partagé par les libéraux. S’étendra-t-il aux tunnels Lyon-Turin, au CDG-Express (qui doublonne le RER B), aux lignes périphériques les plus éloignées du nouveau métro du Grand Paris, aux investissements provisoires des JO ? L’avenir le dira.
Quelques réformes libérales en matière de recettes fiscales
Du côté des recettes, le gouvernement a lancé des réformes que l’on peut qualifier d’un peu libérales. Il aurait mieux valu supprimer totalement l’ISF plutôt que seulement les trois quarts de celui-ci. Le quart restant, l’immobilier non professionnel, devient très compliqué à identifier, notamment dans les contrats d’assurance-vie. Mais c’est un pas dans la bonne direction, celle de la baisse de notre fiscalité pour la rapprocher de celle des autres pays. De même la « flat tax » à 30% des revenus du capital. Cette dénomination est un hommage à la véritable flat tax, qui concernerait la totalité des revenus. On peut encore rêver que celle-ci arrive un jour dans notre pays : un premier pas a été franchi avec l’augmentation de la CSG ; une nouvelle augmentation de la CSG permettrait de supprimer l’impôt sur le revenu, la CSG devenant la flat tax. Un rêve plus réaliste est possible pour la taxe d’habitation : après sa suppression pour 80% des contribuables, il est question de la supprimer pour tous. Un gouvernement vraiment libéral ne se serait pas arrêté à ces trois premiers pas sur l’ISF, l’impôt sur les revenus du capital et la taxe d’habitation. Il aurait franchi les trois pas suivants.