L’absentéisme est non seulement un sujet sensible mais aussi délicat car sa définition est difficile.
Les sources convergent : entre 2020 et 2025, l’absentéisme en France a connu une hausse notable . En 2020, au moment de la pandémie, les taux d’absence étaient déjà élevés, proches de 4,5 % en moyenne (tous secteurs confondus). Après une légère diminution en 2021 liée à la reprise et aux dispositifs de télétravail, la tendance est repartie à la hausse à partir de 2022.
En 2023, les études comme celles d’Ayming ou du cabinet Gras Savoye indiquaient un taux moyen d’environ 5,4 %. En 2024, on observait encore une progression, autour de 5,6 % à 5,8 % selon les branches, portée par les arrêts de courte durée et un stress professionnel accru. En 2025, les premières estimations tendent vers une stabilisation ou une légère hausse, autour de 6 % en moyenne.
En termes de coût, l’absentéisme représente aujourd’hui un poids économique significatif. En 2020, son coût global (salaires maintenus, remplacements, perte de productivité) était estimé autour de 100 milliards d’euros par an. En 2025, il dépasserait les 120 milliards d’euros, soit une augmentation d’environ 20 % sur cinq ans. Pour une entreprise type, cela représente entre 3 et 5 % de la masse salariale.
En résumé :
2020 → taux moyen ~4,5 %
2021 → ~4,2 %
2022 → ~4,9 %
2023 → ~5,4 %
2024 → ~5,8 %
2025 → ~6 % (prévision)
Cause principales : hausse des troubles psychosociaux , désengagement post-Covid, conditions de travail dégradées et absence pour maladie ordinaire, conditions d’indemnisation diverses.
La ventilation de l’absentéisme en France montre des différences marquées entre le secteur privé et le secteur public.
Dans le **secteur privé**, le taux d’absentéisme tourne autour de **5 à 5,5 %** en moyenne ces dernières années. Cela varie selon les métiers : il est plus élevé dans l’industrie, la logistique et les services à la personne, et plus faible dans les bureaux et les entreprises de technologie. Les absences y sont souvent plus courtes, mais plus fréquentes.
Dans le **secteur public**, les chiffres sont nettement plus hauts : Le taux global se situe entre **8 et 9 %** selon les années et les études. Plusieurs facteurs l’expliquent : plus grande proportion de métiers physiques (soins, sécurité, éducation), effectifs plus âgés, contraintes organisationnelles fortes et moins de souplesse sur le télétravail dans certains services, pénalisation allégée …
À l’intérieur du secteur public, on distingue :
– **La fonction publique d’État (nationale)** : environ **6,5 à 7 %** d’absentéisme, avec des écarts selon les ministères. L’éducation nationale présente par exemple des taux un peu plus faibles.
– **La fonction publique hospitalière** : c’est la plus touchée, souvent entre **9 et 10 %**, du fait de la charge de travail, des horaires décalés et de la fatigue physique et psychologique du personnel de santé .
– **La fonction publique territoriale (collectivités locales)** : autour de **9 à 10 %** également. On y retrouve beaucoup d’agents techniques, d’employés d’entretien ou de services de proximité, avec des métiers physiquement exigeants ainsi qu’une tendance au clientélisme.
En résumé :
Privé ≈ 5 %
Public ≈ 8 à 9 %
– État ≈ 6,5 à 7 %
– Territorial ≈ 9 à 10 %
– Hospitalier ≈ 9 à 10 %
Ces écarts reflètent à la fois la nature des métiers, la pyramide des âges, les conditions de travail et la culture de recours à l’arrêt maladie, qui diffère entre privé et public voire entre ses composantes.
Les valeurs varient du fait :
1️⃣ **des différences de périmètre** : certaines études sur le public excluent des catégories (par exemple les enseignants ou les militaires), d’autres les incluent, ce qui change la moyenne globale.
2️⃣ **d’une approche en « taux » ou en « fréquence »** : certaines sources mesurent la part du temps d’absence sur la durée totale de travail (taux), d’autres comptent simplement le pourcentage d’agents ayant eu au moins un arrêt dans l’année. Ces deux indicateurs ne donnent pas exactement le même résultat.
3️⃣ **d’une actualisation temporelle** : dans certaines années (crises sanitaires, hausse du nombre de troubles psychosociaux, vieillissement des effectifs), les taux ont grimpé. Si on se base sur des chiffres de 2020–2022, ils sont plus hauts que ceux de 2018–2019.
4️⃣ **Spécificité des métiers** : la fonction publique hospitalière ou territoriale tire mécaniquement la moyenne vers le haut à cause des métiers plus physiques et du travail posté .
Si on arrondit pour simplifier, on peut retenir une image réaliste :
Privé autour de 5 %, Public globalement entre 8 et 9 %, mais certaines fonctions dépassent ponctuellement les 10 %.
D’abord, le **contexte économique et social** joue un grand rôle. En période de tension économique (inflation, incertitude, restructurations), certains salariés du privé hésitent à se mettre en arrêt par peur de fragiliser leur poste. Dans le public, le risque sur l’emploi est plus faible, donc les agents peuvent davantage prendre des congés maladie sans craindre des sanctions
Dans le privé, la pyramide des âges est légèrement plus jeune, surtout dans les entreprises du tertiaire.
Il faut aussi parler du **type de métiers**. Dans la santé, la propreté urbaine, la restauration collective ou la voirie, on sollicite beaucoup le corps et les horaires sont décalés. Cela génère plus d’arrêts longs. À l’inverse, dans des services administratifs ou le numérique, les absences sont souvent plus courtes et liées au stress ou à l’épuisement mental.
La **culture du travail** compte également. Certains environnements valorisent la présence malgré la fatigue (culture du présentéisme), d’autres incitent au contraire à la récupération rapide.
Enfin, il faut considérer les efforts de **prévention et de qualité de vie au travail**.
Au fond, l’écart entre le privé et le public ne traduit pas une différence d’engagement mais plutôt une différence d’**organisation, de population et de conditions de travail**. Les chiffres plus élevés du public sont le résultat de contraintes structurelles (âge, métiers physiques, sous-effectifs, ambiance de travail plus tendue dans certains services, moindre pénalisation des absences).
Si on regarde l’évolution depuis dix ans, la tendance globale est à la hausse dans les deux secteurs Le stress, et les attentes vis-à-vis de l’équilibre vie pro/vie perso sont les principaux moteurs de cette progression. Il n’en reste pas moins que le public a un taux d’absentéisme proche du double de celui du privé.
À ce propos on se doit de préciser la nature des régimes d’indemnisation des arrêts maladie diffèrent selon la catégorie de salariés et le statut professionnel. Voici les principaux cas.
Dans le **secteur privé salarié**, lorsqu’un salarié est en arrêt pour maladie, il touche d’abord des **indemnités journalières de la Sécurité sociale** (IJSS). Ces indemnités sont versées après un délai de de carence de **3 jours** (ni salaire ni indemnité pendant ces jours).
La Sécurité sociale verse ensuite environ **50 % du salaire brut journalier**, à partir du 4ᵉ jour, pendant une durée variable selon l’ancienneté et la durée de cotisation. Certaines **conventions collectives** ou l’employeur complètent ce montant pour assurer un maintien partiel ou total du salaire.
Les **travailleurs indépendants** (artisans, commerçants, professions libérales) dépendent d’un autre mécanisme via la **CPAM** ou la **Caisse interprofessionnelle**. Ils connaissent eux aussi un **délai de carence de 3 jours**.
Pour les **agents du secteur public (fonctionnaires)**, les règles sont distinctes.
Ils n’ont plus d’indemnités journalières de la Sécurité sociale mais conservent leur traitement selon le **régime de congé maladie**. Pour un **congé de maladie ordinaire**, ils perçoivent la totalité du traitement pendant 3 mois, puis la moitié pendant 9 mois, Depuis une réforme récente, un **jour de carence unique** s’applique à chaque nouvel arrêt maladie (le premier jour n’est pas payé) mais il n’est pas renouvelé si l’arrêt est prolongé sans reprise entre deux certificats.
Les **contractuels de la fonction publique** relèvent du **régime général de la Sécurité sociale**, donc du même système que les salariés du privé : 3 jours de carence et versement d’indemnités journalières ensuite.
Enfin, pour les **régimes spéciaux** (SNCF, RATP, certains corps d’État), les modalités peuvent varier : la plupart prévoient un **maintien de salaire intégral dès le premier jour**, sans carence, mais ces dispositifs sont spécifiques et parfois soumis à des plafonds différents.
En résumé :
- Privé → 3 jours de carence, 50 % du salaire puis complément éventuel ;
- Fonction publique titulaire → 1 jour de carence, maintien de salaire selon l’arrêt ;
- Fonction publique, Contractuels → même système que le privé ;
- Indépendants → 3 jours de carence, indemnités selon revenu ;
- Régimes spéciaux → règles spécifiques, maintien du salaire souvent sans carence du tout ;
Examinons maintenant les conséquences d’une éventuelle baisse d’1 point d’absentéisme :
cela aurait un impact économique et social considérable pour la collectivité. En France, le coût de l’absentéisme (tous secteurs confondus) est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Si on prend une base moyenne d’environ 5 % d’absentéisme (tous motifs confondus), une réduction d’un point – donc passer de 5 % à 4 % – représenterait environ **20 % d’absences en moins**. Cela peut se traduire par un ** un Impact macroéconomique positif** : en additionnant ces effets (moins de dépenses publiques, moins de dépenses d’assurance-maladie, plus de productivité, plus de cotisations), le gain global pour la collectivité pourrait s’élever à plusieurs milliards d’euros par an selon la taille du point gagné tout en améliorant l’efficacité du service public et des entreprises.
Précisons une estimation chiffrée à partir de quelques hypothèses ?
Prenons une estimation basée sur les données disponibles en France. On considère qu’environ 27 millions d’actifs travaillent chaque jour. Le taux d’absentéisme moyen (maladie, accident, contraintes diverses) se situe autour de 5 %. Cela correspond à plus d’un milliard de journées d’absence par an. Si on réduit ce taux d’un point (de 5 % à 4 %), on économise environ **200 millions de journées de travail** sur l’année.
En termes monétaires :
– Dans le **secteur privé**, le coût moyen d’une journée d’absence (salaire, remplacements, baisse de productivité) est estimé entre **100 et 150 €**. Si l’on retient 120 € comme moyenne, la réduction d’un point représenterait un gain direct d’environ **24 milliards d’euros**.
– Dans le **secteur public**, le coût d’une journée d’absence est généralement compris entre **110 et 130 €**. En appliquant le même raisonnement, le gain se situerait autour de **3 à 5 milliards d’euros** pour l’ensemble des administrations.
En ajoutant la baisse des **indemnités journalières** versées par la sécurité sociale (environ **1 à 2 milliards d’euros** d’économies**), on obtient un gain global pour la collectivité de **près de 30 milliards de d’euros**.
À cela s’ajoutent les **effets indirects** : hausse de la production, impôts supplémentaires liés à l’activité économique, et réduction des coûts de management liés aux absences. Au total, on peut estimer qu’une baisse durable d’un point du taux d’absentéisme pourrait rapporter **entre 30 et 35 milliards d’euros** à l’économie française sur une année.
Cela montre que derrière un « petit » pourcentage, l’enjeu collectif est énorme tant sur le plan financier, le plan social et le plan économique.
Tentons une ventilation par domaine de :
– **Industrie ** : environ 20 % des salariés, avec un taux d’absentéisme autour de 4 à 5 %. Une baisse d’un point équivaudrait à quelque 40 millions de journées de travail récupérées. En supposant un coût moyen journalier de 120 €, le gain serait proche de **5 milliards d’euros**.
– **Services privés ** (commerce, finance, communication, restauration, etc.) : c’est le secteur le plus vaste, environ 50 % des effectifs, souvent plus exposé à l’absentéisme de courte durée. Une baisse d’un point pourrait ici représenter **12 à 15 milliards d’euros** économisés.
– **Santé et action sociale ** : ce secteur connaît un taux d’absentéisme élevé (autour de 7 à 9 %). Une réduction d’un point rapporterait environ **3 à 4 milliards d’euros**, mais surtout améliorerait la continuité de service et la qualité des soins.
– **Fonction publique territoriale et d’État ** : environ 20 % des emplois. Le coût moyen d’une journée d’absence est proche de 120 €. Une baisse d’un point représenterait un gain d’environ **4 à 5 milliards d’euros**, en plus d’un meilleur service rendu aux citoyens.
– **Transport et logistique ** : secteur critique où les absences perturbent fortement la chaîne d’activité. Une baisse d’un point équivaudrait à environ **2 à 3 milliards d’euros** d’effet global (direct et indirect).
En additionnant ces montants, on retrouve un total proche des **30 à 35 milliards d’euros** estimés précédemment, pour 1 point perdu en 5 ans !
Mais, outre un programme de mise en place et d’accompagnement important cela impliquera forcément un retour sur un certain nombre d’avantages acquis, une surveillance précise de la fraude et l’abandon de mauvaises habitudes. Et on pourra continuer ?!
Ceci confirme, si cela était encore nécessaire, la puissance du facteur temps de travail que l’on retrouve dans les discussions sur la retraite, la durée hebdomadaire d’activité, l’âge d’entrée dans l’activité, la durée des congés et les jours fériés, etc ….
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