Les gazelles sont des entreprises à forte croissance, jeunes.
De nombreux chercheurs se sont rendu compte de leur importance dans la création d’emplois, leur attribuant même plus de la moitié de ces créations [[Voir par exemple Mason & Brown (2011), Henrekson & Johansson (2010), Parker, Storey & Witteloostuijn (2010), Acs & Mueller (2008).]].
L’OCDE [[Avec des études qui remontent à 2000.]] s’y intéresse depuis près de 10 ans et a tenté d’en donner une définition afin d’unifier les études : entreprises de plus de 10 salariés, de moins de 5 ans et qui ont connu 3 années de suite une expansion supérieure à 20%, soit 72%.
En l’absence d’étude par l’INSEE sur les gazelles françaises depuis l’étude de Claude Picart [[Claude Picart, Les PME françaises : rentables mais peu dynamiques ? INSEE, 2008.]] qui date de 2007, l’IRDEME a demandé au pH Group d’effectuer un dépouillement sur les entreprises françaises, d’identifier celles qui ayant plus de 10 salariés et moins de 5 ans d’âge en 2005 ont eu plus de 72% de croissance entre 2005 et 2008, de fournir leurs emplois à la naissance, en 2005 et 2008, leur capital social à ces mêmes dates et de ventiler ces résultats en fonction du capital social à la naissance.
Les dépouillements du pH ont permis une comparaison avec les entreprises de la même génération (cohorte) ayant également plus de 10 salariés en 2005 et avec des études britanniques récentes portant sur les gazelles anglaises de la même période.
Les conclusions de cette étude dont le détail est décrit ci-après sont que :
– Les gazelles françaises seraient deux fois moins nombreuses que les gazelles anglaises
– Elles auraient créé 4 fois moins d’emplois dans la période 2005-2008
– Leur repérage au milieu des entreprises de 10 salariés ou plus de la même cohorte serait impossible
– Le capital social initial ne semble jouer aucun rôle dans leur émergence ou dans leurs effectifs au début de la période de forte croissance, peut-être un rôle dans l’augmentation du capital social ou des effectifs au terme de la période de forte croissance.
Validation du dépouillement pH Group
Le pH Group a identifié les entreprises nées en 2001-2005 avec au moins 10 salariés en 2005, toujours en vie en 2008, et avec un bilan en 2005 et 2008. Cela nous a donné un échantillon de travail de 10 036 entreprises.
2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | |
Nombre d’entreprises | 3142 | 2703 | 2527 | 931 | 733 |
Nombre de gazelles | 242 | 212 | 227 | 62 | 96 |
Les années 2004, 2005
Pour notre analyse, nous n’avons pas retenu les entreprises nées en 2004 et 2005, car les données pour ces années sont manifestement sous-estimées. Cela peut être expliqué par le fait que peu d’entreprises publient un bilan dès leur première année d’existence. Nous avons donc fait nos calculs seulement sur les années 2001-2003.
Evaluation du nombre d’entreprises nées avec au moins 10 salariés en 2001
Les entreprises ayant au moins 10 salariés en 2005 et nées en 2001 comprennent celles nées avec 10 salariés ou plus, diminuées de ces entreprises qui ont vu leur emploi chuter en dessous de 10 salariés et augmenté de celles, nées avec moins de 10 salariés et qui entre 2001 et 2005 ont accru leur effectifs et passé au-dessus de 9.
Une hypothèse raisonnable est que le solde de cette augmentation et diminution est reflété dans l’écart en nombre d’entreprises entre le nombre d’entreprises nées en 2003 et 2005, doublé pour aller jusqu’en 2001 Cela nous fait 3142 – 2?(3142-2527)= 1912 entreprises créées avec au moins 10 salariés en 2001 et ayant publié un bilan. Les entreprises ayant publié un bilan en 2005 ne représentant que 77,5% de la population totale des entreprises d’au moins 10 salariés , nous aurions eu 1912 / 0,775 = 2467.
Ce chiffre n’est pas très écarté des 2332 entreprises selon les chiffres INSEE [[Création d’entreprises selon la taille, INSEE, 2010. http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF09107.xls]].
Estimation du nombre de gazelles
Définitions
Il existe plusieurs définitions de gazelles en fonction de l’âge de 5 ans au début ou à la fin de la période de forte croissance.
L’OCDE-Eurostat définit les gazelles comme les entreprises de moins de 5 ans avec une croissance moyenne annuelle d’au moins 20% sur la période de forte croissance de 3 ans. Implicitement, cette définition implique que les gazelles doivent être âgées de moins de 5 ans par rapport à la fin de la période de forte croissance (par ailleurs, l’année de la création est considérée comme l’année 0).
NESTA suit la méthodologie de l’OCDE différente et définit les gazelles de la même manière que l’IRDEME avec la condition d’au moins 10 salariés au début de la période de forte croissance (ce qui est en effet la suggestion de l’OCDE). Dans l’étude de NESTA, seulement les gazelles âgées entre 1 et 4 ans sont prises en compte, soit 4 cohortes par année de naissance.
Dans notre étude, nous considérons les gazelles âgées jusqu’à 5 ans au début de la période de forte croissance et ayant au moins 10 salariés au début de cette période. Nous observons donc les cohortes de gazelles nées entre 2001 et 2005, soit 5 cohortes.
Corrections
Les chiffres du pH Group nous permettent d’estimer le nombre de gazelles nées en 2001-2003 ; pour les années 2004-2005 nous faisons une correction en supposant pour chaque année le nombre de gazelles comme moyenne de la période 2001-2003, soit 227 gazelles par année.
Nous faisons également une correction de 77,5% pour rendre notre échantillon représentatif de la population totale des entreprises de 10 salariés ou plus nées en 2001-2005.
Nombre de gazelles
D’après l’étude du pH Group, il existait 242 gazelles nées en 2001, 212 gazelles nées en 2002 et 227 gazelles nées en 2003, soit 681 gazelles sur la période 2001-2003.
Nous avons estimé le nombre de gazelles pour les années 2004 et 2005 à la moyenne 2001-2003 soit 227 gazelles par an.
Ceci nous donne un total de gazelles de 681 + 2?227 = 1135.
Nous avons ensuite corrigé le nombre total de gazelles nées en 2001-2005 compte tenu du fait que les entreprises répertoriées représentent 77,5% de la population totale des entreprises de 10 salariés ou plus nées sur cette période. Ceci donne 1135 / 0,775 = 1464.
Ainsi, 1464 gazelles ont émergé en France dans la période 2005-2008. D’après l’étude de NESTA , il y avait 3230 gazelles au Royaume-Uni sur la même période. Les gazelles françaises sont donc 2 fois moins nombreuses que les gazelles anglaises.
France | Royaume-Uni | Ratio | |
Nombre de gazelles | 1464 | 3230 | 2,2 |
Création d’emplois
D’après l’étude du pH Group, les gazelles nées en 2001-2003 ont doublé le nombre d’emplois sur la période 2005-2008 en passant de 17 404 à 44 103 salariés. Afin d’estimer le nombre d’emplois créés par la population totale des gazelles nées en 2001-2005, nous avons appliqué les corrections décrites précédemment au paragraphe II.2. Ainsi, les gazelles françaises employaient 37 404 personnes en 2005 et 94 785 personnes en 2008, soit 57 381 emplois créés sur la période.
D’après l’étude de NESTA, les gazelles anglaises ont créés 252 375 emplois sur la même période 2005-2008 (les données sur les emplois au début et à la fin de la période ne sont pas disponibles), soit 4 fois plus que les gazelles françaises.
France | Royaume-Uni | Ratio | |
Nombre d’emplois 2005 | 37 404 | * | * |
Nombre d’emplois 2008 | 94 785 | * | * |
Nombre d’emplois créés 2005-2008 | 57 381 | 252 375 | 4,4 |
Nombre moyen d’emplois créés | 39 | 78 | 2,0 |
Le nombre moyen d’emplois créés par une gazelle est de 39 en France contre 78 au Royaume-Uni. Les gazelles anglaises sont donc plus nombreuses mais aussi plus performantes en termes de création d’emplois que les gazelles françaises.
Analyse de l’effet du capital social sur l’emploi
Afin d’estimer l’effet du capital social sur l’emploi, nous avons regardé l’influence du capital social à la création sur la dynamique d’emplois entre l’année de la création et 2008, ainsi que sur la dynamique de capital social lui-même sur la même période.
D’abord, nous avons analysé la répartition des gazelles par taille du capital social à la création et son effet sur le nombre d’emplois à la création, en 2005 et en 2008. Pour rendre les résultats de notre analyse plus stables, nous avons retenu pour l’observation seulement les cohortes des gazelles nées en 2001-2003 avec 10-19 salariés en 2005 (il n’était pas possible d’avoir la répartition des gazelles par nombre de salariés à la création car les gazelles sont souvent nées très petites).
Pour chaque cohorte, nous avons ensuite calculé un coefficient du nombre de gazelles par rapport au nombre de non-gazelles, qui était de 0,08 en 2001, de 0,09 en 2002 et de 0,10 en 2003. Nous avons également transformé les matrices qui caractérisent l’emploi dans les gazelles reparties par taille du capital social à la création afin de les rendre comparables avec l’échantillon de non-gazelles. Enfin, nous avons pu estimer les ratios de nombre d’emplois à la création, en 2005 et en 2008 pour les gazelles par rapport à ceux des non-gazelles. La comparaison de ces ratios nous permet d’identifier les particularités du comportement des futures gazelles parmi toutes les autres entreprises.
1 désigne les entreprises nées <20.000 euros de KS (capital social), 2. 20.000-40.000, 3. 40.000-60.000, 4. 60.000-80.000, 5. 80.000-100.000 et 6. >100.000 euros.
A la création, les gazelles emploient en général moins de salariés que les non-gazelles. Seules les gazelles avec un capital social à la création plus élevé peuvent se permettre d’employer un plus de personnes que les autres entreprises.
Ainsi, la répartition par capital social à la création ne semble pas avoir un effet important sur la création d’emploi et ne permet pas de deviner les futures gazelles.
En 2005, presque toutes les gazelles emploient un peu plus de salariés que les non-gazelles. Cet effet est un peu plus important pour les gazelles ayant un capital social plus élevé à la création.
En 2008, les gazelles emploient au moins 2 fois plus de salariés que toutes les autres entreprises de 10 salariés et plus ce qui est normal puisque les gazelles ont été définies comme ayant la plus forte croissance en 2005-2008. La différence entre les gazelles les plus dotées et les moins dotées au niveau du capital social de départ se maintient.
Nous avons également analysé l’augmentation du capital social entre 2005 et 2008 en fonction du capital social à la création.
En 2005, les gazelles les moins dotées au niveau du capital social à la création ont nettement augmenté leur capital social par rapport aux non-gazelles. En 2008, cette tendance continue de se poursuivre. Les gazelles les plus dotées au niveau du capital social à la création conservent leur avantage.
Distribution de gazelles par capital social par rapport aux non-gazelles
Afin de repérer les gazelles parmi toutes les entreprises de 10 salariés ou plus, nous avons comparé la distribution de gazelles et de non-gazelles par taille du capital social à la création. Nous avons retenu pour l’observation seulement les cohortes des entreprises nées en 2001-2003. Pour chaque tranche du capital social, nous avons cumulé le nombre de gazelles et de non-gazelles nées chaque année.
Les deux courbes représentant les logarithmes du nombre cumulé de gazelles et de non-gazelles par taille du capital social à la création nous semblent identiques à un déplacement d’ordonnée près. Cela signifie que les proportions de gazelles nées chaque année avec les différentes tranches du capital social sont comparables avec celles de toutes les autres entreprises de 10 salariés ou plus. Il n’y a donc pas de moyen de repérer les gazelles à la création à partir du capital social.