L’évolution des revenus du 1% semble être liée aux cycles économiques. L’accroissement de l’économie améliore l’emploi, diminue la pauvreté et l’assistanat, ce qui profite aux plus pauvres au moins autant qu’aux plus riches.
Contrairement aux idées reçues, les revenus du 1% le plus riche sont fortement instables et peuvent varier d’environ un tiers d’une année à l’autre. Sur des périodes longues, l’évolution du revenu moyen du 1% n’est pas uniforme, et la hausse compense souvent la baisse des années précédentes.
Certains économistes présument que la principale raison de la forte volatilité des revenus du 1% provient du fait que ces derniers sont extrêmement sensibles aux fluctuations des marchés financiers. Mais comme nous l’avons découvert pour les États-Unis à travers des chiffres d’Edward N. Wolff, le 1% est constitué à 75% de petits entrepreneurs, non incorporés, qui n’ont certainement pas de forts liens avec les marchés financiers.
Un des premiers à chercher la vraie raison de cette instabilité des revenus du 1% était Alain Krueger, par ailleurs nommé président du Concil of Economic Advisors par Barack Obama en 2011. Dans son papier, coécrit avec les chercheurs du National Bureau of Economic Research, et intitulé « Another look at whether a rising tide lifts all boats »[[ http://www.nber.org/papers/w8412]] (« Un autre regard sur si la marée montante soulève tous les bateaux »), il montre que ce sont les cycles économiques qui déterminent une forte cyclicité de certains indicateurs économiques et sociaux, y compris pour les revenus des plus riches.
Le titre du papier d’Alain Krueger provient d’un aphorisme attribué autrefois au président Kennedy, qui avait remarqué, lors d’un discours, que l’accroissement de l’économie en général profite à tous les acteurs de cette économie. En effet, la croissance économique des années 1960-1970 a visiblement amélioré le niveau de vie de tous les groupes de la société, y compris celui des plus pauvres. Après une étude détaillée des indicateurs du marché du travail et des revenus, ainsi que d’une série d’indicateurs sociaux jusqu’en 2000, Alain Krueger conclut que l’observation sur la marée montante est toujours valable – « good things tend to happen in good times », – et que les bénéfices d’une forte croissance économique sont partagés autant par les plus pauvres que par les plus riches.
Le développement du marché du travail joue un rôle principal dans les cycles économiques. Dans les périodes de forte croissance économique, le taux d’emploi et le nombre d’heures travaillées sont positivement liés à cette croissance, en particulier pour les travailleurs peu qualifiés. La reprise économique présente de fortes opportunités et les personnes sans emploi en trouvent enfin un dans les secteurs en pleine croissance.
Ainsi, grâce à la croissance économique de 1992 à 2000, le revenu moyen des 20% les plus pauvres a connu une plus forte augmentation que celui des 20% du milieu de la distribution, soit 15% contre 12%, même s’il est resté à l’écart de l’augmentation du revenu moyen des 20% les plus riches.
Le taux de pauvreté est en baisse lors des périodes d’accroissement économique. Cela concerne également la pauvreté absolue, même si cette dernière semble être moins cyclique que la pauvreté relative, puisque les personnes concernées sont moins liées au marché du travail, et ne peuvent pas profiter pleinement de son expansion.
Les taux de crime et d’assistanat semblent aussi fortement cycliques, et diminuent avec la croissance. En revanche, l’État a tendance aussi à profiter d’une certaine manière de l’accroissement de l’économie et à augmenter la dépense sociale, notamment pour les diverses aides. Comme ce sont les personnes les plus pauvres qui bénéficient davantage de ce type de dépense, encore une fois la croissance économique leur profite davantage au travers de la redistribution faite par l’État.
Comme le note Alain Krueger en conclusion, depuis plusieurs décennies, la marée montante continue de soulever tous les bateaux, les canots autant que les yachts, tandis qu’une marée descendante submerge beaucoup de ceux qui sont à peine à flot.
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La marée montante soulève tous les bateaux
L’ONU a annoncé il y a 1 mois environ que l’objectif de diviser la pauvreté absolue dans le monde par 2 je crois et qui était fixé (en 1990) pour 2015, a été atteint en 2013. C’est assez rare pour être signalé. Plus intéressant est de voir que globalement c’est la révolution agricole, industrielle et le capitalisme (porteur par construction de certaines inégalités !) qui a obtenu ce résultat, n’en déplaise aux esprits chagrins.
Les pays qui n’ont pas atteint l’objectif sont de fait soit des pays à égalité théorique absolue ( Cuba ou la Corée du Nord par exemple) ou à inégalité « tyrannique » et corrompue. Oui, la marée montante soulève tous les bateaux.