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Comment Obama encourage les Américains à travailler

par Dominique Mercier
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Contrairement à la plupart des pays développés, les États-Unis n’ont pas mis en place de revenu minimum de type RMI ou RSA. La raison en est sans doute qu’ils sont le seul pays au monde à avoir prouvé aussi magistralement que l’existence d’un revenu minimum constitue une puissante « désincitation » à travailler. Plutôt que d’encourager l’inactivité, le dispositif américain consiste au contraire à encourager le travail.

Il est évident que dans le contexte de crise actuel, il serait inhumain de supprimer le RSA socle[[Ex RMI, auquel on ajoute maintenant le « RSA activité » en cas de travail.]] et que c’est seulement en période prospère avec très forte création d’emploi qu’il serait envisageable de le faire. Il est cependant frappant de constater que même pour un fervent partisan de l’État providence comme Obama, la solution pour sortir de la pauvreté se trouve bien dans l’incitation à l’emploi et non pas dans la distribution d’un revenu minimum garanti. C’est ainsi que le président américain a récemment désiré étendre aux personnes sans enfants[[Ce projet a néanmoins été rejeté par le Congrès.]] le dispositif « Earned income Tax Credit », c’est-à-dire une aide sociale versée aux travailleurs pauvres. Derrière Medicaid et les bons alimentaires, c’est l’un des plus importants dispositifs d’aide sociale aux États-Unis, coûtant de l’ordre de 60 milliards de dollars par an. Créé en 1975, son but est d’encourager les parents avec enfants à rentrer sur le marché du travail et donc de briser le cercle vicieux de la trappe à la pauvreté.

Le montant de l’allocation varie en fonction du nombre d’enfants et du type de foyer fiscal (imposition commune ou séparée). Par exemple, une femme mariée avec un enfant se verra attribuer 34 centimes pour chaque dollar gagné, jusqu’à 9.720 dollars de revenu annuel gagné. A ce stade, l’allocation atteint donc 3.305 dollars annuels. Ensuite, si les revenus continuent d’augmenter mais restent en deçà de 23.260 dollars, l’allocation est maintenue mais elle n’augmente plus et reste à 3.305 dollars. Au-delà, l’allocation reçue diminue progressivement et a totalement disparu si les revenus dépassent les 43.941 dollars annuels. Le graphique ci-dessous montre l’allocation reçue selon la situation du bénéficiaire.

Valeur de l’allocation fédérale (Federal Earned Income Tax Credit) :

L’allocation en fonction du salaire suit un chemin différent selon le nombre d’enfants et la situation maritale
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En ordonnée : credit amount : montant de l’allocation
En abscisse : earnings : revenu annuel

Une étude d’impact récemment citée par la Maison Blanche a montré que cette mesure a été plutôt efficace puisqu’elle aurait encouragé à travailler 10% des parents (en l’absence de dispositif ceux-ci n’auraient pas pris un travail). On est donc bien loin des résultats du RMI et du RSA. Le but du RMI était d’aider à l’insertion des personnes hors du marché du travail mais la Cour des comptes elle-même a épinglé en 2011 le peu d’efficacité du dispositif[[Du RMI au RSA : la difficile organisation de l’insertion, Constats et bonnes pratiques.]], mentionnant que l’obligation de signature d’un contrat d’insertion entre le bénéficiaire et son référent n’était même pas systématique. Plus récemment, l’instauration d’un RSA activité en plus du RSA socle (ex RMI) ne permet pas davantage d’éviter les effets pervers. Une étude américaine à grande échelle a clairement démontré que l’existence d’une allocation minimum garantie, fût-elle progressivement dégressive en cas de reprise d’activité comme le RSA, reste toujours un « désincitatif » à travailler, allant donc en sens contraire à tout objectif d’insertion. Cette expérience, nommée Negative Income Tax Experiment, commença en 1968, elle fut appliquée à 8.700 personnes et dura 10 ans. Il en ressort que pour la population ayant droit à une allocation minimum, le nombre d’heures travaillées diminuait en moyenne de 9% pour les hommes et de 20% pour les femmes. Surtout, pour certaines catégories de personnes, l’évolution était dramatique. Ainsi le nombre d’heures travaillées par semaine diminuait en moyenne de 43% pour les hommes célibataires et de 33% pour les hommes mariés sans enfants. L’essentiel de l’effet n’était pas une diminution du nombre d’heures travaillées mais une sortie pure et simple du marché du travail.

Il n’existe pas en France d’étude sur l’impact d’un revenu minimum mais une étude[[Le Barbanchon, The Effect of the Potential duration of Unemployment Benefits on Unemployment Exits to Work and Match Quality in France, Crest working paper, n°2012-21, septembre 2012.]] sur le sujet similaire des indemnités chômage va dans le même sens que l’étude américaine. Parue en septembre 2012, et faite par un chercheur du Crest, elle montre que lorsque la durée d’indemnisation des chômeurs passe de 7 à 15 mois, le taux de retour à l’emploi diminue de 28%[[ Soit un allongement de la durée de chômage de l’ordre de deux mois et demi. L’étude a par ailleurs vérifié que l’augmentation de la durée d’indemnisation n’entraîne pas une amélioration de la qualité ou de la durée de l’emploi retrouvé.]].

Comme il a été dit plus haut, il n’est pas envisageable de supprimer aujourd’hui le RSA. On pourrait cependant réfléchir à des modalités plus intelligentes de la prime pour l’emploi[[La prime pour l’emploi est un complément de revenu versé par l’État français aux salariés qui occupent un emploi à faible salaire dans le but de favoriser le passage d’une prestation sociale (ex: RSA) à l’emploi, en creusant l’écart entre les revenus du travail et les revenus d’inactivité]], notamment en ce qui concerne le retour à l’emploi. Cette prime atteint en moyenne un montant très faible (de l’ordre de quelques centaines d’euros) et elle n’est pas proportionnelle à la rapidité avec laquelle le salarié a trouvé un travail. Ainsi que le suggère Denis Payre, on pourrait envisager que plus un chômeur retrouve rapidement du travail, plus la prime pour l’emploi de l’année soit élevée.

 

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