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Les pilules paracétamol d’Agen

par Dominique Mercier
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Afin de réduire le déficit de l’assurance maladie, le gouvernement continue sa politique en faveur des génériques. Mais les économies proposées ressemblent bien à un bout de chandelle par rapport aux économies qui résulteraient d’une vraie réforme de l’assurance maladie.

Face au déficit endémique de l’assurance maladie, qui a dépassé les 7 milliards d’euros en 2013, le ministère de la Santé projette d’économiser 1 milliard d’euros sur les remboursements de médicaments en 2014. C’est dans cet objectif que le gouvernement a annoncé dernièrement sa volonté que les marques de paracétamol soient remplacées par des génériques moins chers, avec le risque de faire disparaitre 500 emplois à Agen.

Cependant, une telle politique atteindra très vite ses limites et elle occulte la nécessité d’une vraie réforme. Les remboursements de médicaments représentent en effet à peine plus de 10% du total des dépenses de l’assurance maladie (19 milliards, sur un total avoisinant les 175 milliards d’euros). En l’absence de réforme, les déficits continueront d’augmenter et d’après les dernières estimations ils passeront à 14 milliards en 2020[[Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) dans son rapport annuel publié fin décembre.]]. Il faut donc s’attaquer au plus gros poste des hôpitaux publics, qui représente plus de 50 milliards d’euros contre seulement 11 milliards pour les cliniques privées. Pour les mêmes actes et sur un public comparable, les prix des hôpitaux sont en effet d’au moins 30 à 40% plus chers que les prix des cliniques. Si les hôpitaux publics étaient aussi bien gérés que les cliniques, on obtiendrait donc une économie d’au moins 15 milliards, soit deux fois le déficit de 2013.

Une réforme des hôpitaux publics nécessiterait néanmoins un grand courage politique. En effet, il faudrait tailler dans le nombre trop important d’administratifs qui encombrent les hôpitaux publics. Ainsi que l’expliquait l’iFRAP il y a déjà 10 ans[[Société Civile, numéros de septembre, octobre et novembre 2002.]], leur nombre atteint des proportions considérables. Un chef de Service de la Pitié Salpêtrière confiait ainsi que lorsqu’il était arrivé, l’hôpital avait un directeur, un adjoint, un économe, un chef de personnel et 10 employés pour 1.500 lits. Trente ans plus tard, pour 1.200 lits, il y avait un directeur général, 11 directeurs et autant d’adjoints et 200 employés. Ainsi, il constatait sur trente ans 15 fois plus d’administratifs par lit.

Ceci a des conséquences non seulement en termes de coût mais aussi pour l’efficacité du management et des décisions, qui ne sont pas prises par ceux qui sont au plus proche des besoins des patients, à savoir les médecins. D’après cette enquête de l’iFRAP, les médecins passaient en moyenne un tiers de leur temps en commissions, réunions et rapports divers qui leur sont imposés par l’administration de l’hôpital. Du fait d’une importante bureaucratie, le poids des syndicats et des considérations purement politiques y est aussi très important, associé à une absence d’audit de performance qui serait nécessaire à l’amélioration du rapport qualité/coûts des hôpitaux publics.

La restructuration des activités de l’hôtel Dieu en est un exemple parmi d’autres. Il avait été décidé de transformer le centre d’urgence en un service de consultations 24 heures sur 24. Si le bureau de la commission médicale d’établissement (CME) de l’AP-HP, sorte de parlement des médecins, avait affirmé son soutien au projet, sa mise en œuvre a rencontré la résistance de la CGT de l’AP-HP et celle de l’équipe de la Mairie de Paris. D’après des proches du dossier, les élus ont difficilement toléré d’avoir été mis devant le fait accompli pour certaines décisions et le recours à des cabinets de conseil a été très mal vu. Ex-directrice des TGV de la SNCF, la directrice générale de l’AP-HP était pourtant habituée aux problèmes syndicaux et politiques complexes. Les syndicats qui réclamaient son départ ont néanmoins obtenu satisfaction[[Remplacée par Martin Hirsch.]], puisqu’elle a été remplacée par Martin Hirsch en novembre 2013. Si la transformation du service des urgences a été menée tant bien que mal par son prédécesseur, Martin Hirsch a promis d’abandonner le deuxième volet de la restructuration du réaménagement en bureaux de l’Hôtel Dieu et donc de ne pas toucher au millier d’administratifs du siège de l’AP-HP.

Le désir de faire des économies sans réformer a par ailleurs entraîné certaines décisions absurdes allant clairement contre l’intérêt du patient. C’est le cas notamment d’un numerus clausus bien trop faible ces dernières années, qui va entraîner une pénurie de médecins, et oblige déjà à avoir recours à des médecins étrangers dans les hôpitaux. C’est le cas également d’un nombre trop faible de certains équipements médicaux coûteux, par exemple les IRM, qui nécessitent une autorisation administrative de fonctionnement. Ils sont trois fois moins nombreux en France qu’en Allemagne ou deux fois moins nombreux que la moyenne des pays d’Europe occidentale.

Cette mainmise de l’État sur la santé est regrettable car une plus forte libéralisation équivaudrait à autant d’emplois supplémentaires dans un secteur où l’on peut supposer une forte demande. La dépense de santé en France représente de l’ordre de 10% du PIB contre environ 16% du PIB au États-Unis. Dans les deux pays, la part des dépenses remboursées est pourtant la même, de l’ordre de 9% du PIB.

 

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