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Les retraites et la fécondité en débats à l’IRDEME-EPLF

par Yves Montenay
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Le 1er février 2023, j’étais invité par l’Institut de recherche pour la démographie des entreprises (IRDEME), et l’association Entrepreneurs pour la France (EPLF), à lancer leur débat sur les retraites et les moyens de relance de la natalité : un sujet ô combien d’actualité !
Ce fut également l’occasion d’annoncer la publication du dernier livre de Bernard Zimmern[[Voir l’article Inégalités : Ressorts de la croissance des entreprises et de l’emploi (Bernard Zimmern)]], fondateur de l’IRDEME[[La mission de l’IRDEME-EPLF : « Inspiré par notre fondateur Bernard Zimmern, entrepreneur et philanthrope exceptionnel, nous nous consacrons à la poursuite de son combat ; L’offre d’emplois marchands augmente grâce aux entreprises nouvelles et existantes. Les acteurs privés, par leurs financements et leurs accompagnements, sont indispensables et les plus pertinents pour assurer leurs succès et celui de la France. L’Etat n’est pas un bon gestionnaire d’entreprises. Il lui faut se consacrer au rôle de facilitateur au service des entrepreneurs. Il doit impérativement réduire les contraintes fiscales et administratives pour améliorer la compétitivité de notre cher pays par rapport à nos voisins. » Site internet IRDEME-EPLF]], combattant les thèses de Piketty sur les inégalités.
Mais revenons au débat, que j’ai ouvert par l’affirmation suivante[[Voir l’article : Retraites : à problème mal posé, pas de bonne solution]] : « Le débat sur les retraites est mal posé. »

Le problème des retraites n’est pas financier, mais démographique

L’opposition à l’augmentation de l’âge de départ de 62 à 64 ans a suscité toutes sortes de considérations financières : déficit ou non du système actuel, taxation des riches ou plus rarement augmentation des cotisations ou diminution des pensions ou bien encore passage partiel ou total à la capitalisation.

À mon avis, ces questions n’ont rien à voir avec le problème posé car le pouvoir d’achat des retraites n’est pas une question d’argent mais une question démographique, à législation inchangée.

En effet, ce qui compte pour un retraité, ce n’est pas d’avoir 1000 ou 2000 euros mensuels de pension mais ce qu’il peut acheter avec. La première réaction de mes interlocuteurs est souvent l’incompréhension : « Bien sûr que c’est le montant qui compte : je vais au supermarché et j’achète plus ou moins suivant l’importance de ce montant ».

Cette réaction néglige deux questions importantes que je vais soulever ici, avant de terminer par l’examen rapide d’une troisième question : en quoi le passage à la capitalisation résoudrait-t-il les deux premières questions ?
Je serai bref sur ce dernier point car vous avez à votre disposition mes précédents articles pour nourrir vos propres réflexions :

Ce n’est pas la distribution de pensions qui assure la retraite

Comme je l’ai dit, ce qui compte c’est qu’une pension apporte dans le futur des biens et services aux retraités, si possible en même quantité qu’aujourd’hui. Or ce n’est pas une question d’argent car une grande partie de ce dont on a besoin ne se trouve pas au supermarché.
Il y a d’abord les services nécessaires aux retraités. Pour commencer, les soignants au sens large, de la garde-malade ou auxiliaire de vie aux médecins, en passant par les infirmières et le personnel de tous les fabricants et distributeurs du matériel nécessaire. On sait qu’ils sont en nombre insuffisant. Or ce n’est pas le montant des pensions qui va créer des infirmières supplémentaires.
Il y a aussi de nombreuses autres professions apportant les services nécessaires à la vie quotidienne de tous et pas seulement des retraités. Mais ces derniers pâtiront plus brutalement de leur insuffisance si la législation sur les retraites reste inchangée : si l’ascenseur est en panne, l’octogénaire coincé au dixième étage devra attendre plusieurs jours, une partie des techniciens ayant pris leur retraite et les jeunes étant moins nombreux.

Pour rester dans mon image initiale, il y a ensuite les biens que l’on peut trouver aujourd’hui au supermarché et que les retraités pensent pouvoir se procurer si leur pension est suffisante.
Or, toujours à législation constante sur les retraites, on pourrait voir se vider certains rayons du supermarché pour la même raison que pour les services : à savoir qu’une partie du personnel nécessaire sera partie en retraite, de l’agriculteur à la caissière en passant par les fabricants des produits vendus et les conducteurs de poids lourds pour l’approvisionnement.
Bien sûr, comme nous le verrons, il peut y avoir des progrès de la productivité dans ces domaines, mais ces derniers sont déjà pris en compte dans les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Conséquences sur la comparaison répartition/capitalisation

Voici, de manière télégraphique, les éléments de comparaison, dont vous pourrez trouver le détail dans mon article sur les retraites par capitalisation[[Voir l’article : Intérêt et limites de la retraite par capitalisation]].

Les arguments pour la capitalisation : individualisation, liberté, responsabilité
Chacun cotise ce qu’il veut, le temps qu’il veut et est responsable du résultat.

Les arguments discutables : la fécondité du ruissellement
Les partisans de la capitalisation estiment que l’utilisation de l’épargne par des organismes financiers (fonds de pension, caisses de retraite) mènera à des investissements judicieusement choisis et donc à une croissance meilleure qu’en répartition.
Dans l’article précité, j’explique mon scepticisme : selon moi le ruissellement issu de la répartition et celui de la capitalisation sont très voisins. Le problème se réduit au choix des investissements par le marché ou par des technocrates des organismes financiers. La différence est invérifiable, mais est a priori faible et à mon avis à l’avantage du marché.

La faiblesse des arguments mettant les épargnants à l’abri de la démographie
Un argument simple et souvent répété en matière de capitalisation est que le placement à 5 % de l’épargne sur la durée de la vie active mène à une retraite très supérieure à celle par répartition.
Outre qu’il n’existe pas, à ma connaissance, de placement permettant un rendement en valeur réelle de 5 % sur 40 ans, la principale faiblesse de ce raisonnement est qu’il ignore d’où viendront les 5 %, puis en fin de vie, le rachat des titres accumulés.
Les entreprises qui donneront les sommes nécessaires seront soumises comme tous les acteurs économiques à l’évolution démographique et notamment à la pénurie relative de main-d’œuvre par rapport au nombre de retraités à servir. Bref, les ressources seront limitées comme en répartition et pour les mêmes raisons.
Vous me direz que la capitalisation bénéficiera d’une augmentation prévisible de la productivité, mais c’est également le cas en répartition, comme vous pouvez le vérifier en regardant le détail des analyses du Conseil d’orientation des retraites.
À ce stade, on voit que les problèmes auxquels auront à faire face les systèmes par répartition et capitalisation sont très voisins et principalement démographiques.

Pourquoi cette opposition ? En partie pour des raisons idéologiques ou culturelles
Les libéraux ont une bonne connaissance et une sympathie pour l’économie et la finance, alors que leurs adversaires ont une grande méfiance envers la finance, « notre ennemie », comme disait François Hollande.
Cette méfiance est en général couplée à une grande ignorance économique, ne serait-ce que parce qu’ils estiment que les dividendes et plus-values boursières – ils oublient en général qu’il y a aussi des moins-values – « enrichissent les milliardaires », alors que ceux des fonds de pension vont directement à des retraités, en général anglais ou américains, sans parler de tous les particuliers qui ont des portefeuilles, notamment dans les pays anglo-saxons.

Seule compte l’offre, donc la démographie et la productivité

La quantité de travail
La démographie nous dit que la solution est que chaque actif travaille plus longtemps, ou d’en augmenter le nombre par l’immigration.
Travailler plus longtemps peut se faire par la loi – avec le passage à 64 ans par exemple – ou spontanément : le nombre de retraités travaillant augmente, que ce soit officiellement (cumul emploi-retraite, médecins rappelés par les hôpitaux…) ou bénévolement en famille ou association. C’est particulièrement massif au Japon.
Quant à l’immigration, même les pays qui y sont officiellement hostiles finissent par la tolérer en pratique puisque leurs employeurs y font massivement appel. Dans le cas des pays européens de l’Est et du Sud, le manque d’actifs est dramatique du fait de la baisse de la fécondité et du départ des jeunes vers l’Allemagne.

Même en France, pays moins touché que les autres, il y a eu 320 000 titres de premier séjour en 2022 contre moins de 200 000 les années précédentes.

Cette augmentation vient des étudiants, dont 50 % trouvent un emploi en France et des 52 000 entrant pour raisons économiques, dont 18 000 au titre des profils hautement qualifiés. Il faut y ajouter 11 000 régularisations pour raison de travail. S’y ajoutera un titre de séjour pour les sans-papiers travaillant dans les secteurs tendus, actuellement en débat à l’Assemblée nationale[[Voir l’article : Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration]].

Une exception pour la pénibilité ?
L’opinion se hérisse de voir les travailleurs des métiers pénibles être « menacés » de travailler plus longtemps. C’est humainement compréhensible, sous les réserves que nous verrons, mais ça ne change pas le problème : les travailleurs de ces secteurs sont aussi nécessaires que les autres, ne serait-ce que pour leurs camarades retraités.

Le véritable remède, qui se répand dans des entreprises sérieuses, est une évolution du poste en fin de carrière vers des occupations moins pénibles.

Par ailleurs, le fait de s’estimer très abîmé à 60 ans me paraît être plus une rengaine syndicale, forcément bien reçue, qu’une réalité. Sauf dans certains cas, d’où la discussion sur la pénibilité[[Voir l’article : La théorie fallacieuse de la pénibilité du travail]].

Mais cette analyse elle-même est polluée en toute connaissance de cause par les syndicats qui veulent une définition par métier, de manière à avoir des redevables, comme c’est le cas pour les conducteurs ultra-privilégiés de TGV (en salaire et temps de travail). Ils sont privilégiés parce que leur métier a été déclaré pénible à l’époque où ils chargeaient le charbon dans la chaudière de la locomotive à la pelle et le torse nu.

Bref, demander la retraite à 60 ans pour le personnel de terrain est une nouvelle façon de créer des privilèges pour capter des votes.
Bien sûr, le patronat veut que la pénibilité soit individuelle et sur avis médical, pour éviter cette dérive.

Un moyen de limiter le poids de la démographie est d’augmenter la productivité. Mais cette dernière dépend partiellement de la démographie.

Productivité et démographie
Depuis toujours, les employeurs estiment que les jeunes sont plus productifs que leurs aînés, notamment en matière de dynamisme et d’ouverture à l’innovation. Avec bien sûr de nombreuses exceptions individuelles.
Cet état d’esprit a été accentué par la révolution numérique dans laquelle les jeunes sont plus à l’aise que leurs aînés. La démographie pèse donc sur la productivité du fait de la diminution du nombre de jeunes actifs.

Une autre raison du lien entre démographie et productivité tient aux économies d’échelle qui deviennent négatives quand la population diminue.
Ce serait une des explications de la différence croissante de productivité entre l’Europe et les États-Unis, due à l’immigration massive vers ce pays qui soutient sa croissance démographique malgré une fécondité médiocre. Beaucoup de chefs d’entreprises, y compris des plus importantes, sont nés à l’étranger et notamment en Inde.

À cela s’ajoute la renommée des universités américaines et le rachat massif de startups européennes par les États-Unis, qui sont deux formes de « pompage » physique et intellectuel de la population qualifiée du monde entier.

En conclusion
Les seules mesures positives en matière de retraite sont celles qui augmentent la quantité de travail ou la productivité. On voit que cela n’a rien de financier.
Heureusement, l’homme est ingénieux et adaptable. Laissons-le travailler à son gré après l’âge légal, comme cela se fait de plus en plus souvent.

Comment augmenter la fécondité ?

Nous postulons que l’augmentation du taux de fécondité dans de nombreux pays serait souhaitable, ne serait-ce que parce que les bas niveaux actuels mettent en péril leur existence. Et cela même avec le secours de l’immigration car une intégration et une assimilation ne sont possibles que s’il reste suffisamment de nationaux actifs, car on ne pourra pas compter sur des vieillards dépendants.

De plus, nous avons vu les effets positifs d’une croissance de la population sur la productivité, donc sur le niveau de vie de chacun. Et enfin nous avons constaté que la diminution de la proportion de jeunes adultes est la cause du problème des retraites.
Il faut être conscient que certains de ces effets positifs ne se feront sentir qu’à long, voire à très long terme, puisque c’est seulement à partir de 20 ans qu’un jeune entre dans la population active et que le plein de la pyramide des âges des actifs ne sera terminé que 40 à 50 ans plus tard !
Il faut tout d’abord être conscient des mécanismes de la baisse générale de la fécondité dans le monde et voir si on peut les freiner.

Les causes de la baisse de la fécondité
À mon avis, la plus importante est l’existence de la retraite puisqu’elle supprime l’obligation d’avoir des enfants pour être nourri pendant ses vieux jours. Mais je ne vois pas un gouvernement s’y attaquer !
Il y a aussi le choix prioritaire des femmes pour le travail : dans de nombreux pays, elles devaient choisir entre travailler ou avoir des enfants et l’expérience a montré qu’elle préféraient sacrifier les naissances. À cela s’ajoute souvent la pression de l’opinion publique stigmatisant les mères au travail. Cela a été longtemps général en Allemagne mais commence à reculer maintenant que la population a pris conscience du problème.

Il y a surtout le coût de l’enfant et en particulier celui de l’éducation. De nombreuses études ont montré que dans les pays où la fécondité s’était écroulée, comme la Corée, le Japon et la Chine, il y avait une compétition féroce pour l’accès aux universités les plus prestigieuses. Les parents se ruinent donc à payer des études supplémentaires imposées le soir à leurs enfants, ce qui coûte très cher et explique souvent la nécessité de se limiter à un seul.

Et dans tous les pays, le coût du logement est un problème.
Qui plus est, les écologistes ont persuadé une partie de la population des pays riches qu’il était mauvais pour la planète d’avoir des enfants, sans se soucier de ce que deviendraient les générations précédentes.

À tout cela s’ajoute en France un tropisme anti nataliste à gauche. Les natalistes y sont suspectés d’avoir comme arrière-pensée de vouloir maintenir les femmes à la maison.
J’évoquerai enfin la folie égalitariste : les gouvernements de gauche, et en dernier ceux de François Hollande, ont petit à petit rogné des dispositions natalistes lancées avec succès dans les années 1940-1950, notamment le quotient familial. Outre l’impact financier, secondaire pour ceux qui désirent fortement des enfants, cela a détruit l’impression que la société était favorable à ces derniers.

Cette action des gouvernements de gauche est arrivée à contretemps en contribuant à la diminution du nombre d’enfants au moment où les baby-boomers arrivent à l’âge de la retraite, d’où le problème actuel !

Les tentatives de relance
En France comme à l’étranger où le modèle français des années d’après-guerre a été bien étudié, les spécialistes estiment qu’il faut y revenir, à la fois sur le plan financier et sur le plan psychologique.
Reste à transformer cela en décisions gouvernementales et ce qui est encore plus difficile, en ambiance sociétale.

La Russie et l’Allemagne, entre autres, l’ont fait et ont enregistré une reprise modérée de la fécondité, qui reste néanmoins de l’ordre de 1,5 enfant par femme, loin des 2,1 nécessaires au maintien de la population et en dessous des 1,8 constatés en France. De plus cette reprise s’étiole maintenant.

Dernier pays à tenter de redresser sa fécondité : le Japon qui est en vieillissement accéléré avec 29 % de sa population de plus de 65 ans. L’obligation de départ a été portée à 70 ans et le financement de la vieillesse représente maintenant 34 % du budget national
Instruit par l’expérience des autres pays, le Japon prévoit d’améliorer les services de garde d’enfants et les conditions de travail des mères (dans certains métiers il est de bon ton de faire des heures supplémentaires gratuites et de rentrer tard à la maison). Le tout doublé d’un gros effort financier en allocations familiales et primes à la naissance. Les municipalités ajoutent de plus un complément à cette aide financière.

L’avenir nous en dira l’efficacité, qui n’est pas garantie car il s’agit de décisions privées et il faudrait déconstruire tout un système social fondé sur le coûteux « gavage » des enfants pour l’accès aux meilleures universités, ce qui est un jeu à somme négative.
Le gouvernement sud-coréen fait une campagne télévisée pour expliquer que les bons parents sont ceux qui dirigent leurs enfants vers des carrières moins élitistes mais tout aussi honorables, sans sacrifier leur jeunesse !

Bref, le minimum envisageable en France semble être un retour aux mesures natalistes des années 1940-1950, sans garantie de succès rapide, à en juger par les résultats dans les autres pays et compte tenu de la pression de l’écolo-pessimisme.

Dommage que, jusqu’à présent, seuls les partis du côté droit de l’échiquier politique français se préoccupent de cette question -ce n’est plus le cas chez certains de nos voisins- … et que les partis de gauche ne trouvent rien de mieux que de les stigmatiser comme rétrogrades ou extrémiste.

 

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1 commenter

Moulin février 14, 2023 - 9:49 am

Le billet n’est pas très imaginatif en nouvelles solutions
Le billet n’est pas très imaginatif

Un brainstorming IRDEME reste à réaliser .

Au delà de faciliter le travail des femmes , notamment le bon temps partiel proche du domicile,

La logique serait d’appliquer un coefficient multiplicateur aux retraites des femmes selon le nombre d’enfants élevés. Bien élevés ?
Actuellement les mères gagnent quelques trimestres de cotisations . Ce qui est dérisoire comme récompense face à la rareté actuelle qui n’est plus l’abondance des trente glorieuses.
Et le père ?
Du brainstorming est nécessaire pour modéliser les modalités d’un programme de stimulation de la natalité . Par certains cotés l’IRDEME et Montenay ont une certaine légitimité.

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