En 2021 seulement, les Français ont eu droit à deux hausses tarifaires de l’électricité, l’une de 1,6 % en février, l’autre de 0,5 % en août. Le problème est tellement compliqué que nous allons être obligés de simplifier : nous allons donc purement et simplement additionner ces deux hausses pour considérer que la hausse pour la facture du consommateur est de (1,6 + 05) = 2,1 % ce qui est déjà conséquent dans un univers considéré comme sans inflation, et dans lequel toute hausse du coût de l’énergie se répercute forcément dans l’ensemble de la chaîne de valeurs et nonobstant un dérapage du prix du gaz qu’on nous annonce à 58 % !
La production moyenne d’un réacteur nucléaire est en France plus ou moins de 10 TW heure et ils fonctionnent souvent par paire. On peut donc considérer qu’une « tranche » nucléaire correspond à une production annuelle de 20 TWh environ. La consommation française est de 450 TW heure. Une tranche nucléaire représente donc à elle seule, 20/450 = 4,4 % de la production française que nous considèrerons pour cette fois-ci comme égale à la consommation puisque les réseaux doivent être équilibrés en permanence.
Les systèmes de production d’énergie ont une grande inertie et pour le moment, la seule variable d’ajustement sont des énergies traditionnelles, à savoir le charbon et surtout le gaz. Or le prix de ce dernier est beaucoup plus élevé que celui du carburant nucléaire et flambe à tout va.
Le remplacement pur et simple d’un kilowattheure nucléaire par un kilowattheure issu du gaz coûte à peu près 1 centime par kilowattheure, et c’est le seul marginalement mobilisable à court terme. Le KWH était facturé jusqu’à maintenant 19,1 centimes au consommateur. La hausse du simple coût de production est de 5 %. D’où les hausses à répétition de l’énergie, sous toutes ses formes d’ailleurs (électricité, gaz mais aussi essence ou fioul).
Le coût du kilowattheure pour le consommateur comprend, outre le coût de production pour un tiers, le coût du transport et le coût des taxes diverses, chacun également pour un tiers. Le coût de transport devrait peu varier, celui des taxes dépend de décisions politiques.
En fait, tout se passe comme si l’on avait 2 systèmes de production d’électricité côte à côte, l’un bon marché, (ceci accentué par l’amortissement déjà réalisé des centrales nucléaires) rapidement mobilisable et adaptable, l’autre intermittent, et beaucoup plus cher (coût du combustible ou des subventions) dans tous les cas pour sa partie rapidement mobilisable, à savoir le gaz . Très curieusement, notre pays ferme progressivement son outil efficace et bon marché au profit d’un outil aléatoire et dispendieux !
On peut prévoir sans se tromper que, sauf percée technologique majeure sur le stockage de l’énergie électrique, chaque fermeture de tranche nucléaire entraînera une hausse du coût de l’électricité pour les clients.
Le dernier essai en vraie grandeur fut la fermeture de Fessenheim qui aurait probablement permis, si maintenue en activité, d’éviter à elle toute seule les hausses de tarifs de l’électricité de 2021.
La France, qui avait une électricité bon marché et qu’elle exportait par ailleurs, va rejoindre ses concurrents, en particulier l’Allemagne et ceci rapidement.
Regardons maintenant le Bilan sur les émissions de CO2 puisque c’est lui paraît-il qui fait souci :
le nucléaire, et donc Fessenheim, émettait 6 g de CO2 par kilowattheure produit.
les barrages hydrauliques, et oui, émettent 16 g par KW…
l’éolien émet 13 g
le solaire 55 g
et le complément sera fait au gaz ou au charbon (au lignite dans le cas de l’Allemagne)
le mix total actuel donnerait semble-t-il 350 g de CO2 par kilowattheure produit.
Écart entre la production de CO2 par une tranche nucléaire : 20 TW x (350-6) (10 puissance 12) g de CO2 soit, si je ne me trompe pas dans les zéros entre 3,5 et 5 Millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Le nouveau système « moyen » pollue 50 fois plus que l’ancien ! On progresse !
Bilan sur les investissements : Beaucoup de nos concitoyens ont encore du mal à distinguer les coûts d’investissement (c’est-à-dire créer ou construire quelque chose de nouveau qui va servir demain), des coûts de fonctionnement, c’est-à-dire la consommation au fil du temps d’un combustible par exemple. Acheter une voiture est un investissement, le coût de l’essence pour la faire marcher est un coût de fonctionnement.) L’investissement peut servir longtemps et on le fait une fois, le fonctionnement est éphémère et se renouvelle régulièrement. L’approche la plus simple de l’investissement sur la centrale de Fessenheim par exemple c’est son coût de construction qui peut être évalué à 1 milliard d’euros. Par comparaison il faudrait investir entre 2.000 et 3.000 éoliennes pour compenser, à 1,5 million d’euros la pièce environ, soit entre 3 et 4 milliards mais il est vrai que l’euro a perdu de sa valeur entre-temps. Ce sera tout de même la somme à débourser qui ne construira pas des écoles ou des hôpitaux. Le chemin s’éclaircit !
Bilan social : 2.000 emplois supprimés directs et/ou induits. EdF reclassera son personnel propre par réaffectation sur d’autres sites ! Tout va bien ! Mais il est vrai qu’il faudra construire autre chose : le Sapeur Camembert pointe le bout de son nez.
Bilan pilotage : Les « centrales » ont pu être réparties sur le territoire plus ou moins en fonction des nécessités de consommation. Les contraintes des champs d’éolien ou de solaire par exemple sont beaucoup plus importantes : les Allemands par exemple ont des champs d’éoliennes en mer du Nord qui alimentent… la Bavière ! Et une partie de l’électricité se perd dans les transports…
Surtout, du fait de la nécessité d’équilibrer en permanence les réseaux et du côté aléatoire et variable des énergies renouvelables, cela contraint à des manœuvres d’équilibrage permanent sur le reste du réseau, à savoir le nucléaire, l’hydraulique, voire le gaz. Si l’on ajoute que les réseaux européens sont interconnectés on saisit rapidement la complexité du problème. (cf. les difficultés actuelles de la Grande-Bretagne, laquelle a endommagé une de ses 2 connexions avec le continent)
Bilans divers : les paysages d’Alsace et la survie des oiseaux et des populations et communes restantes.
Bonne facture
2 commentaires
Abandonner le nucléaire ou comment augmenter le prix de l’électricité et le CO2
Comme le souligne Stéphane Zweig dans Marie Stuart, « la raison et la politique suivent rarement le même chemin et ce sont peut-être ces occasions manquées qui donnent à l’histoire son caractère dramatique »
En voici un bel exemple! Mais le lobbying industriel allemand est tellement puissant que nous aurons du mal même à renouveler les centrales nucléaires existantes.
bien cordialement
Philippe Fleury
La recherche en France sur le nucléaire est molle, même les chinois avancent rapidement
Quant à Fessenheim, il eût fallu faire participer l’Allemagne à son arrêt et démantèlement précoce !