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Pas d’équilibre budgétaire sans une industrie plus forte

par Claude Sicard
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Au moment où les Français commencent à rechigner devant le train de réformes qu’Emmanuel Macron mène à vive allure pour moderniser le pays, il est utile de faire le point sur le niveau des dépenses de l’Etat. Niveau que chacun s’accorde à considérer comme tout à fait excessif.

Le vent est donc aux économies, le budget de la nation étant régulièrement en déficit. L’Etat s’endette chaque année un peu plus, à la fois pour combler le déficit du budget et pour faire face au règlement des emprunts venant à échéance. En 1960, les dépenses publiques ne représentaient que 35 % du PIB, et la dette du pays seulement 20 % du PIB. Il s’agit, aujourd’hui, de 56,4 % du PIB, et la dette s’élève à 97 % du PIB. Et encore certains organismes publics, comme la SNCF, ne sont-ils pas dans le chiffre annoncé par l’Insee.

L’Etat accroît donc chaque année la pression fiscale, et la France est ainsi devenue, en 2016, championne en Europe de ce que l’on dénomme « les prélèvements obligatoires », avec un taux de 47,6 % du PIB, ravissant cette place au Danemark qui en est à 46,8 % seulement. Dans l’Union européenne, selon les données d’Eurostat, le taux moyen est de 40 %, et il s’élève à 34 % dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

Fonte du secteur industriel

On doit donc s’interroger pour savoir comment notre pays en est venu à de tels excès ? Le PIB de la France est anormalement tronqué par un grave accident arrivé à notre machine économique. En une quarantaine d’années, notre appareil industriel a été amputé de la moitié de son importance, réduisant considérablement les recettes fiscales de l’Etat et condamnant le pays à des taux de chômage très élevés qu’il est impossible de réduire. En 1975, les effectifs du secteur industriel étaient de 6,2 millions de personnes, et ce chiffre est tombé à 2,7 millions aujourd’hui. Notre économie est une économie handicapée, qui lutte avec peine, on le voit bien, dans la compétition internationale.

Notre secteur industriel a fondu du fait de la mondialisation, et il ne représente plus à présent que 10,5 % du PIB, alors que la norme européenne se situe à 20 %. Ce taux de 20 % est d’ailleurs l’objectif qui a été fixé, en 2012, à l’UE, par la Commission européenne de Bruxelles, pour l’horizon 2020. Certains pays sont en dessous, d’autres bien au dessus, l’Allemagne notamment.

En France, où le vent à cet égard a tourné, le Premier ministre Edouard Philippe a installé le 20 novembre dernier le nouveau Conseil national de l’industrie (CNI), déclarant : « Le gouvernement porte une ambition forte pour l’industrie française dont le développement permettra d’apporter une réponse durable et profonde aux problèmes de chômage de masse, et de dégradation des comptes publics » (lire l’intégralité de son discours ici). Et 10 comités stratégiques de filières ont été aussitôt mis en place.

Aux Etats-Unis, après la rupture des années 1980, il y a eu une reprise des emplois dans l’industrie, et on sait qu’actuellement le nouveau président américain y veille activement. Une société « post industrielle » n’est pas, comme on l’a trop longtemps imaginé, en France, une société sans usines, constituée uniquement de tertiaire, mais une société « hyper industrielle » avec des activités de haute technologie où les emplois sont à forte valeur ajoutée. La France se trouve donc fortement pénalisée par la perte d’une grande partie de son industrie et tous les maux qui affectent son économie tiennent à ce phénomène.

Le PIB amputé de 358 milliards

Il est aisé de chiffrer ce que serait, normalement, le PIB de la France si notre pays n’avait pas subi cette forte contraction de son secteur secondaire. Il n’est pour cela que de se référer à la corrélation qui lie la production industrielle par tête dans différents pays au PIB/per capita des habitants.

La France en est a 4.500 euros par tête seulement, contre 7.700 pour l’Allemagne, 8.100 pour la Suède, 8.900 pour la Finlande et 12.400 pour la Suisse. Si donc la France avait la production industrielle par tête, par exemple de notre voisin d’outre Rhin, son PIB serait de 358 milliards euros plus élevé qu’il n’est actuellement. Le montant des prélèvements obligatoires se trouverait de ce fait rabaissé à 40 % du PIB, ce qui est tout bonnement la moyenne de l’UE.

Nous avons donc des dépenses publiques qui ne tiennent pas compte de cet accident de parcours survenu à notre économie, et l’on s’étonne de ce qu’elles sont trop élevées. Le pays a voulu fonctionner comme si rien ne s’était passé.

Un travail de réforme très difficile

Le problème est à présent structurel et la situation, de toute évidence, ne peut pas être redressée rapidement. Tel est le problème auquel notre gouvernement doit faire face. Cette situation est délicate à expliquer au pays, et l’aveu de cette faiblesse ternirait immanquablement l’image de notre pays dans le monde.

Conserver les niveaux de dépenses actuelles ne peut conduire qu’à accroître chaque année l’endettement extérieur du pays : il atteint à présent près de 100 % du PIB. Des économies sont donc à faire dans tous les domaines : nous avons, par exemple, 348.000 emplois de trop dans la fonction publique et une corrélation entre les dépenses de santé par tête et le PIB/per capita dans différents pays fait apparaître très clairement que nos dépenses de santé sont de 12 à 13 % trop élevées par rapport aux capacités économiques du pays. Il s’agit, selon ces calculs, de 22 à 23 milliards euros de trop chaque année.

Compte tenu de l’incompréhension de ces problèmes par la population, de l’esprit par trop partisan des opposants politiques au Parlement, et des menaces de blocage de l’économie qui sont brandies à tout bout de champ par les syndicats, le travail de réforme du pays entamé par notre Président se révèle extrêmement difficile. Les mécontentements vont aller en s’accumulant : un discours de vérité doit donc être adressé sans plus attendre au peuple français. Notre Premier ministre a pris une juste mesure du problème, mais le pays ne l’a pas compris.

– Article initialement publié le 20 juin sur Les Echos

 

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1 commenter

zelectron juillet 5, 2018 - 2:46 pm

les sommes pharaoniques détournées au profit des ponx inutiles (hors régaliens)
1 million d’entre eux coûtent au budget 3600000000000 € trois mille six cent milliards, de quoi réalimenter sans coup férir la source de floraison de mille et une PMI manufacturières parfois même innovatrices en brick and mortar (à ne pas confondre avec les marchands du temple, importateurs-distributeurs de gadgets et autres fanfreluches)

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